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et les beaux travaux que depuis longtemps ils ont inspirés à nos pensionnaires de l’école de Rome nous ont permis de suivre l’histoire de cet art et de l’étudier dans sa perfection. Tout récemment encore, quand déjà il semblait qu’il n’eût plus rien à nous apprendre, un examen plus attentif faisait découvrir dans quelle mesure délicate le sentiment intervenait à son heure pour corriger ce que les données de la science auraient eu de trop rigoureux. Par des déviations légères et toujours judicieuses, nous le voyons, en effet, s’efforcer de donner à l’œil l’impression d’une perspective plus logique en quelque sorte que la perspective vraie, puisqu’elle avait pour but de mieux affirmer pour l’esprit ces satisfactions de stabilité, de proportions et d’harmonie dont nulle part ailleurs on ne rencontrerait à un si haut degré l’heureuse réalisation. C’est ainsi que successivement, avec les progrès mêmes de ces études, nous nous étions habitués à prendre une opinion toujours plus haute de ce petit peuple, de son goût, de son génie. Cette année encore, deux architectes récemment sortis de l’école de Rome, MM. Loviot et Paulin, nous montrent sur ce sujet un ensemble de travaux très importans, mais qui tendraient à modifier d’une manière notable les idées reçues jusqu’ici. C’est comme une thèse qu’ils nous présentent concurremment sur deux des monumens les plus intéressans d’Athènes ; le Parthénon et le temple de Thésée. Avec une somme de travail égale, autant d’ingéniosité dans les conceptions et une habileté presque semblable pour l’exécution, leurs conclusions sont pareilles. Mais si l’importance du travail et le mérite de l’exécution sont ici dignes des plus grands éloges, il convient d’y regarder de très près avant de se prononcer sur la valeur des révélations que nous apportent MM. Loviot et Paulin. Il faut reconnaître d’ailleurs qu’ils n’ont pas usé de ménagemens envers nous et que le courage n’a pas manqué à leur franchise. Tout ce qu’on peut mettre de netteté et de violence à une affirmation, ils ne nous l’ont pas épargné. Le premier choc est rude. On est froissé de la brutalité de ces couleurs crues qui s’étalent sur ces vénérables monumens, les traversent de part en part, sans souci de leurs lignes, sans laisser à l’œil aucun répit, sans respecter aucune surface, à l’intérieur comme à l’extérieur, sur les statues comme sur les édifices. On reste un peu dérouté dans ses affections, blessé dans ses instincts, honteux pour soi-même et pour les autres surtout, d’une si longue ignorance sur des sujets si souvent étudiés et par des hommes d’une telle valeur. Et cependant si c’était bien là l’expression de la vérité, il faudrait nous rendre. Il est toujours temps de renoncer à une erreur ; mais quand une croyance est bienfaisante, il ne la faut rejeter qu’à bon escient.

Cette question de la polychromie n’est point chose nouvelle,