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l’état de la science chez ce peuple. Elle nous révèle en même temps son goût, son degré de culture, et comme son tempérament intellectuel et moral, par l’observation plus ou moins heureuse qu’il montre de ces autres lois plus délicates qui relèvent du sentiment et prescrivent en vue de l’aspect le plus beau, le meilleur usage de matériaux et d’un outillage donnés.

L’architecture et l’histoire se prêtent, on le voit, un mutuel secours; elles sont aussi intéressées l’une que l’autre aux recherches qui, ayant trait à la filiation de l’art chez une nation, nous renseignent nécessairement aussi sur la date et la nature des relations établies de peuple à peuple. On comprend donc, même à ce point de vue, l’importance qu’offre l’étude des monumens que nous a laissés le passé, qu’elle soit faite en vue de restaurations projetées, ou simplement dans un intérêt d’instruction purement théorique. La plus grande et de beaucoup la plus intéressante partie des dessins d’architecture qui figurent au Salon est relative à cette étude, dont le domaine s’est singulièrement agrandi à notre époque. Des contrées qui au point de vue de l’art semblaient autrefois déshéritées, mieux connues désormais, fournissent, comme l’Inde, par exemple, leur contingent de richesses à notre admiration. Dans cet ordre d’idées, la mission que poursuit en Afrique M. Vaurabourg a déjà produit d’intéressans résultats. A côté de détails d’ornementation intérieure copiés avec soin dans une habitation et dans une mosquée, l’habile explorateur nous apporte cette année une étude consciencieuse sur un monument dont la destination était restée longtemps incertaine, et qui offre une grande analogie avec cette sépulture des rois de Mauritanie qu’on connaît sous le nom de Tombeau de la Chrétienne. Le Mausolée des rois de Numidie, le Madrasien, est également un édifice circulaire fait d’assises de blocs réguliers disposés en gradins et décoré de deux lions d’aspect assez étrange. Là encore, on retrouve cet ensemble de précautions prises pour assurer le respect de la sépulture et qu’on observe en Égypte et dans plusieurs contrées de l’Asie-Mineure : portes simulées, impasses et accès mystérieusement compliqués, sortes de rébus architectoniques dont M. Vaurabourg a pu déterminer la clé au moyen d’un tracé géométrique. Le monument d’ailleurs n’a pas une haute valeur comme art, et son style est un compromis entre l’architecture grecque et celle de l’Orient.

Mais le champ de ces études du passé ne s’est pas seulement accru en étendue; il a été surtout plus profondément creusé, et bien des lumières nous sont venues depuis peu sur des époques et des styles que nous croyions bien connus. Entre tous, les monumens de la Grèce sont faits pour préoccuper les artistes et pour leur fournir les plus utiles enseignemens. On ne s’est point lassé de les consulter,