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Avant de descendre à la sculpture, nous nous reposerons un moment autour de cette table sur laquelle, par une heureuse innovation, l’administration nous offre de feuilleter les plus splendides publications qui se rattachent à l’étude des beaux-arts. Les spécimens que nous y trouvons du talent de nos graveurs nous permettent la comparaison avec leurs travaux les plus récens exposés aux murailles de cette salle. La gravure en taille-douce en est à peu près absente. Au contraire, la gravure à l’eau-forte prend une place toujours plus importante qu’expliquent assez les libertés qu’elle autorise et les facilités de son apprentissage. C’est un moyen d’expression presque immédiat pour quiconque sait dessiner, et qui, par les ressources de coloration qu’il présente, devait tenter surtout les peintres. On sent bien en effet que M. Gaillard est un peintre et on reconnaît une fois de plus qu’il est un dessinateur de premier ordre dans cet étonnant portrait de Léon XIII, d’une expression si fine, avec sa physionomie spirituelle et tout italienne. Autant le travail est serré, peu apparent chez M. Gaillard, autant il est large et hardi chez M. Courtry. Il y a des morceaux excellens dans son Portrait d’Hélène Forment, le rideau, notamment, dont les tailles d’une allure très franche rappellent bien la facture de Rubens. On sent malheureusement que la gravure a été exécutée non d’après l’original du maître, mais d’après une photographie qui, pour les cheveux blonds de la jeune femme et les broderies d’or à peine visibles dans sa robe de brocart, a donné des valeurs beaucoup trop foncées. Il y a aussi quelque dureté et un peu de lourdeur dans le visage, où nous avons peine à reconnaître cette merveille d’éclat et de jeunesse qu’on admire au musée de Munich. Le Passage du gué continue dignement, en revanche, la série des excellentes traductions que M. Courtry nous a déjà données des œuvres de M. van Marcke. Les tableaux du peintre, par la netteté de l’effet et des valeurs, sont faits d’ailleurs pour séduire les aquafortistes, et sa Source de Neslettes, comme son Herbage à Sorentz, ont trouvé dans MM. Yon et Lecouteux deux interprètes aussi intelligens que fidèles. La Place Pigalle et la Place Breda ont fourni à M. Buchot le sujet de deux compositions très animées, et il a mis bien de l’esprit aussi dans ces Deux Voisins de campagne, qu’il nous montre un falot à la main, bras dessus bras dessous, un peu titubans et pataugeant dans la boue par l’obscurité d’un soir d’hiver. Il n’est que juste enfin, et pour clore, de signaler les belles eaux-fortes de M. Waltner, dont l’habileté fait l’admiration de ses confrères et qui arrive à donner à son travail et à ses colorations une variété et une richesse tout à fait étonnantes.