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je le répète, est donc une nécessité de premier ordre, et que faut-il pour l’organiser sans qu’il en coûte rien à personne? Il faut opérer la conversion du 5 pour 100 en 3 pour 100 amortissable, profiter des 74 millions d’économie qu’elle donnera, en affecter une partie au dégrèvement et l’autre à l’amortissement. Le gouvernement croit devoir ajourner cette mesure dans un intérêt politique. Il devrait se souvenir pourtant qu’il n’a servi à rien au roi Louis-Philippe de l’avoir ajournée aussi pendant toute la durée de son règne, afin de ménager les rentiers de l’époque; ce sont ces mêmes rentiers en grande partie qui, dans les rangs de la garde nationale, ont crié : Vive la reforme! et contribué à renverser son gouvernement. Louis-Napoléon, en 1852, a été mieux inspiré. Quel a été son premier acte après un coup d’état audacieux et pour lequel il avait grand besoin de l’indulgence de la nation? Ç’a été d’opérer la conversion du 5 pour 100 dans des conditions très hasardeuses. Il a réussi néanmoins, et ce succès a été le point de départ de la prospérité qui a eu lieu sous son règne. Ces exemples sont bons à méditer. On aura beau dire que la rente est aujourd’hui plus considérable et plus répandue qu’en 1852; ce n’est pas une raison pour ne pas faire ce qui est juste et très profitable au crédit public. On ne gagne jamais rien à méconnaître la justice. Il arrive toujours un moment où l’opinion, mieux éclairée, demande compte aux gouvernemens d’avoir sacrifié à des considérations égoïstes et de parti les intérêts généraux du pays.


VICTOR BONNET.