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l’énergie de ceux qui l’entendaient. Mais, même en l’atténuant de beaucoup, elle n’en est pas moins de nature à faire réfléchir sérieusement ceux qui pensent à l’avenir. Ce n’est pas seulement l’Angleterre et l’Amérique qui agissent comme nous venons de l’indiquer, d’autres petits états font de même. Le gouvernement fédéral de la Suisse, après avoir converti son 4 1/2 en 4 pour 100, appliquait tout le bénéfice de la conversion à augmenter les ressources de l’amortissement. Il jugeait cela plus utile que d’opérer un dégrèvement d’impôts.

On dira que l’amortissement, pour n’être pas très lourd et ne point trop charger la génération présente, doit être à longue échéance, et que, si on prend pour base le délai de remboursement du 3 pour 100 amortissable actuel, c’est au bout de 75 ans seulement que nous verrons l’extinction de la dette : or qui s’inquiète de ce qui se passera dans 75 ans? et d’ici là il nous faudra supporter les intérêts de cette dette augmentés de ceux de l’amortissement. Cela est vrai, le délai de 75 ans est long, nous aurions aimé qu’il fût plus court. Mais, ce qui est long pour un particulier ne l’est pas au même degré pour les nations. Il y a des réformes excellentes dont il faut attendre longtemps les résultats définitifs. Nous sommes aujourd’hui à 90 ans de l’époque où furent proclamés les principes de 89 ; qui oserait dire que ces principes ont produit aujourd’hui toutes leurs conséquences? Ils en ont déjà produit beaucoup, le temps amènera le reste. Il en sera de même avec l’amortissement s’il est bien organisé. Il n’éteindra la dette en effet que dans 75 ans, mais auparavant il aura déjà rendu de grands services. Nous avons cité l’exemple des États-Unis qui, par suite des sacrifices énormes qu’ils se sont imposés après la guerre de sécession pour rembourser leur dette, ont vu baisser le taux de l’intérêt de 6 à 4. Le crédit de l’état y a gagné 2 pour 100, le bénéfice n’a pas dû être moindre pour le crédit en général ; l’industrie et le commerce trouvent aujourd’hui des capitaux à bien meilleur marché qu’autrefois. Pourquoi notre 3 pour 100 n’est-il pas à peu près au même taux que celui des Anglais? Nous sommes presque aussi riches que nos voisins, et la richesse chez nous est mieux répartie que chez eux, l’épargne plus assurée; nous avons autant de capitaux disponibles, et notre papier de commerce se négocie à aussi bon compte que le leur. Pourquoi donc, je le répète, notre 3 pour 100 est-il à 85 lorsque celui des Anglais touche au pair? Cela tient uniquement à ce qu’en Angleterre, la dette publique n’augmente plus; qu’elle diminue au contraire chaque année par un amortissement qui, sans avoir toute la puissance qu’il pourrait avoir, n’en est pas moins très efficace. Chez nous, au contraire, elle n’a pas cessé de s’accroître ; elle a pris de