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tenté davantage. Peut-on dire aujourd’hui qu’on échouerait si l’on offrait du 4 pour 100 au lieu du 5, si surtout on l’offrait en un fonds susceptible d’augmentation, comme l’est le 3 pour 100 amortissable? Aux cours actuels, ces k francs de rente amortissable représenteraient en capital 116 francs, il n’y aurait donc aucune crainte à avoir, tout le monde les accepterait, et un gouvernement hardi et résolu, comme on l’est en Amérique, pourrait même aller au-delà et offrir moins de 4. Nous ne le conseillons pas pourtant, car il ne faut pas courir de risque, mais l’économie de 1 pour 100 est parfaitement réalisable.

Maintenant, quanta la nécessité de ménager la transition, cette considération ne nous touche pas ; c’est celle qu’on invoque pour ne rien faire. Faut-il donc sacrifier les intérêts de l’état pour être agréable au rentier? En convertissant en 4 1/2 seulement, l’économie ne serait que de 37 millions au lieu de 74 qu’elle pourrait atteindre si on réduisait à 4. Les rentiers se plaindront et diront qu’on leur enlève une grosse part de leur revenu au moment même où le prix des choses augmente. Ils croiront voir là une situation anormale; ils se tromperont, elle est au contraire très régulière. Pourquoi les choses augmentent-elles de prix, surtout les denrées alimentaires? Parce qu’il y a plus de consommateurs qu’autrefois, on est plus riche et on consomme davantage, rien n’est plus simple. Il serait désirable sans doute que la production marchât un peu plus vite et se tint de pair avec la consommation, comme cela a lieu pour les marchandises qu’on peut pour ainsi dire multiplier à volante, pour les étoffes d’habillement, par exemple; les prix alors resteraient les mêmes, et tout le monde s’en trouverait bien. Mais ce desideratum est difficile à réaliser. On n’augmente pas les denrées alimentaires comme on augmente les produits manufacturés. Et encore on se trouverait bientôt placé dans un cercle vicieux. Si la production s’accroissait très rapidement et que les prix baissassent, il y aurait plus d’aisance, et partant plus de consommateurs, l’équilibre se romprait de nouveau entre la production et la consommation, et le renchérissement suivrait. On ne dira pas que chacun ait aujourd’hui tout ce qu’il peut désirer en fait de céréales, de vin, de viande, etc. La limite de la consommation de ces denrées est susceptible de reculer indéfiniment ; il faut donc en prendre son parti ; l’augmentation du prix des choses est une conséquence nécessaire du progrès. Maintenant, pourquoi les revenus baissent-ils? Toujours par la même raison. Le développement de la richesse rend le capital abondant et à bon marché ; seulement il se produit ici l’inverse de ce qui a lieu pour les denrées alimentaires ; l’accumulation du capital