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moins procéder graduellement et en abandonner d’abord une partie, la moitié par exemple, soit 11 ou 12 pour 100? Ce serait déjà une grande amélioration, et le trafic des chemins de fer s’en ressentirait. Quant à la taxe qui pèse sur les récépissés et lettres de voiture, elle est vraiment, en ce qui concerne les petites distances et les petits colis, exorbitante dans l’application; elle absorbe à elle seule près de la moitié des frais de transport. Pour un petit, colis pesant au-dessous de 5 kilogrammes et envoyé à moins de 150 kilomètres, la taxe est de 0 fr. 85, dont 0 fr. 47 pour la compagnie et 0 fr. 37 pour le fisc. On comprendra que, dans ces conditions, renvoi de petits colis à de faibles distances soit assez difficile. Le moindre objet expédié de Paris à Chatou, par exemple, coûte autant et plus que la place d’un voyageur.

On presse souvent les compagnies de chemins de fer d’abaisser leurs tarifs; que pourraient-elles faire d’efficace en présence d’impôts aussi lourds? Je suppose qu’après un grand effort elles diminuent de 5 pour 100 le tarif de la grande vitesse, le résultat serait insignifiant et sans influence aucune pour développer le trafic, tandis que, si les 5 pour 100 se trouvaient ajoutés à un dégrèvement d’impôts de 11 ou 12 pour 100, ce qui ferait en tout une réduction de 16 ou 17 pour 100, l’effet s’en ferait sentir nécessairement et aurait de l’influence. Mais ni le gouvernement ni les chambres ne songent à ce moyen pour amener l’abaissement des tarifs. Il leur paraît plus simple de proposer le rachat des chemins de fer eux-mêmes. Nous ne voulons pas aborder ici cette question du rachat, elle est trop grosse pour être traitée incidemment; nous dirons seulement que, si l’état se figure qu’il pourra à la fois abaisser sérieusement les tarifs et trouver dans l’exploitation une somme suffisante pour payer les intérêts du prix de rachat, il se trompe complètement. Il n’est pas nécessaire d’être grand prophète pour prédire que les chemins de fer aux mains de l’état rapporteront tout au plus les frais d’exploitation.

L’état, propriétaire des routes, ne fait rien payer ou presque rien à ceux qui s’en servent. Il demande également fort peu de chose pour les transports sur les canaux qui lui appartiennent, et on prétendrait que, lorsqu’il sera maître des chemins de fer, c’est-à-dire du plus puissant moyen de transport qui existe, de celui qui exerce la plus grande influence sur le mouvement commercial, il en obtiendra une rémunération équivalente aux charges? Ce sera impossible, il ne pourra pas défendre ses tarifs contre ceux qui les attaqueront, en France surtout, à cause de nos idées démocratiques et de l’intérêt qu’on aura toujours à satisfaire les masses.

Du reste, on n’a qu’à voir ce qui se passe ailleurs : en Prusse, en