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les enquêtes agricoles qui ont eu lieu, c’est la taxe contre laquelle on a le plus réclamé, et aujourd’hui encore à propos des souffrances de l’agriculture on s’est plaint plus que jamais. Si le législateur avait des visées hautes et un peu de résolution, voilà l’impôt qu’il devrait d’abord modifier et diminuer des trois quarts, ou tout au moins des deux tiers, en le fixant à 1 ou 2 pour 100. Il rapporte aujourd’hui 140 millions, la perte serait de 100 millions. Mais si on réfléchit qu’il y a beaucoup de fausses déclarations qui sont excitées par l’énormité du droit et qui disparaîtraient le jour où celui-ci serait sensiblement abaissé, on peut espérer qu’on aurait de ce chef immédiatement une plus-value sensible, et il y en aurait une autre provenant de l’augmentation du nombre de transactions. Supposons que celles-ci s’accroissent d’un quart, c’est-à-dire qu’on vende chaque année pour 7 ou 800 millions de plus de propriétés immobilières; à 2 pour 100, voilà 15 millions de gagnés, et si la plus-value résultant de déclarations plus sincères est du même chiffre, on arrive tout de suite à retrouver une trentaine de millions, la perte n’est plus que de 70 millions, et elle serait compensée par d’autres avantages : la propriété immobilière verrait arriver à elle des capitaux qui aujourd’hui la fuient à cause des frais qu’ils auraient à supporter soit pour l’acquérir, soit pour s’en défaire. Par conséquent, entre le dégrèvement aussi minime que celui qu’on propose sur le vin et celui qu’on pourrait réaliser sur le droit de mutation, il n’y a pas à hésiter; le dernier produira beaucoup plus d’effet que l’autre et sera plus conforme au progrès.

Si maintenant on veut se placer dans un autre ordre d’idées et appliquer tout le bénéfice du dégrèvement aux taxes de consommation, il y en a une qui appelle tout particulièrement l’attention, c’est celle qui pèse sur le sucre. Elle est aujourd’hui de 68 francs par 100 kilogrammes, soit de 0 fr. 68 par kilogramme sur une denrée qui vaut en moyenne 1 fr. 50, c’est presque la moitié du prix. On prétend que M. Léon Say, au moment où il a quitté le ministère des finances, voulait réduire cette taxe de 40 pour 100, la ramener de 68 à 40 francs et faire ainsi bénéficier les contribuables de 76 millions. La pensée était fort louable, car le sucre qui était autrefois, du temps d’Adam Smith, une denrée de grand luxe, est devenu aujourd’hui de première nécessité. On le consomme sous toutes les formes, il est l’accessoire obligé d’autres consommations qui ont pris aussi de nos jours une grande extension, telles que le café, le thé, le chocolat, etc. Par conséquent, tout ce qui diminuera le prix du sucre sera une œuvre méritoire et profitera à tout le monde.

En Angleterre, depuis un grand nombre d’années, au lieu de réduire de quelques centimes un certain nombre de taxes, ce qui