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dix ans, la plus-value de la richesse compensât toutes les charges que nous avions subies. Cependant il y a lieu de se demander si toutes les dépenses qui ont été faites depuis et qui ont contribué à élever si fort le chiffre de nos budgets étaient bien nécessaires et bien justifiées. Il y aurait peut-être quelque chose à reprendre sous ce rapport. Mais les gouvernemens démocratiques ne sont pas des gouvernemens à bon marché; ce sont ceux, au contraire, où il est le plus difficile de faire des économies. Chacun réclame l’assistance de l’état, sous une forme ou sous une autre, on se figure généralement que son concours est nécessaire pour que les choses aillent bien; puis il faut créer des places nouvelles pour tous ceux qui en demandent, et ils sont nombreux sous ces gouvernemens. C’est ainsi que successivement nous sommes arrivés, d’un budget de 2,264 millions en 1872, après la guerre, à un autre de 2,793 millions pour 1881 : l’augmentation est de 529 millions. On a emprunté en détail et pour toutes espèces de choses, tantôt pour faire des travaux publics, tantôt pour créer des dotations de diverses natures, tantôt pour fournir des ressources supplémentaires à un fonds spécial qu’on a appelé le fonds de liquidation et qui est la véritable bouteille à l’encre de notre situation financière; les dépenses administratives ont aussi beaucoup augmenté; bref, avec les dépensas extraordinaires, nous approchons aujourd’hui d’un budget de 3 milliards. Du reste, en toute situation et sous tout gouvernement l’économie est toujours difficile, il faut un certain courage pour la proposer et beaucoup d’abnégation pour l’accepter. Si vous parlez d’une façon générale de diminuer le budget et de dégrever les impôts, a dit un philosophe politique, c’est à merveille, vous avez tout le monde pour vous ; mais quand il s’agit d’entrer dans l’application et que, pour diminuer le budget, il faut retrancher une dotation ici, un chemin de fer là, une dépense et un encouragement ailleurs, alors chacun réclame, et on n’a plus personne avec soi. Voilà comment on peut expliquer les augmentations successives de dépenses qui ont eu lieu depuis la guerre et comment on n’a encore vu aucun budget qui ait été en diminution sur le précédent.

Maintenant, il y a des théoriciens qui justifient cet accroissement des dépenses et qui considèrent l’économie pour un état comme une chose d’ordre secondaire. Il faut, selon eux, s’appliquer surtout à faire des dépenses utiles, qui augmentent la richesse du pays. Ce n’est pas le poids du fardeau qui importe, c’est la force de celui qui est appelé à le soutenir ; il vaut mieux réaliser l’équilibre avec un supplément de revenu qu’avec une diminution de dépense. Robert Peel n’a-t-il pas dit : « Si le poids est trop lourd, renforcez