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se fait sentir plus encore, comme on pense, chez les historiens. Mackintosh est tour à tour le partisan et l’adversaire de notre révolution. Mitford prêche les réformes dans le premier volume de son Histoire de la Grèce ; dans les derniers volumes, il se déclare convaincu que tout gouvernement démocratique est barbare. Les écrivains reviennent en général à des tendances libérales avant que la majorité des électeurs les y invite. Sous bien des rapports, ils ne font qu’imiter la presse périodique qui commença précisément d’acquérir à cette époque la grande influence dont elle devait jouir un peu plus tard.

Bien que des journaux existassent depuis plus d’un siècle à Londres, ce ne fut que pendant les grandes guerres de l’empire qu’ils acquirent une influence considérable. Leur tirage était insignifiant. Que l’on en juge par un seul fait. L’impôt du timbre sur les feuilles publiques avait été imaginé en 1712. On l’abolit un peu plus tard parce qu’il ne rendait presque rien. Toutefois il fut rétabli, en sorte que l’on peut avoir une idée assez vraie du développement des journaux d’après le chiffre du produit qu’ils rapportaient au fisc. Il se vendait 7 millions de feuilles en 1753, 16 millions en 1801, 25 millions en 1821. Le Times, qui avait déjà la vogue, atteignit 8,000 exemplaires à cette époque. En réalité, le tirage était limité, non par le goût du public ou par le prix élevé de la vente, mais plutôt par des difficultés matérielles d’exécution. Les presses à vapeur venaient d’être inventées, c’étaient des engins encore imparfaits.

Londres avait, en 1815, six journaux quotidiens qui se partageaient la faveur du public. Outre le Times, le Morning Chronicle, le Courrier, la Post, avaient le plus de réputation, parce qu’ils étaient aux mains d’éditeurs intelligens qui avaient enrôlé les talens les plus divers. John Campbell, qui fut depuis lord chancelier, le poète Coleridge, l’historien Mackintosh, les meilleurs écrivains du temps, ne dédaignaient point de collaborer à ces feuilles quotidiennes. Néanmoins la profession de publiciste était encore peu considérée. On cite une délibération des avocats de Lincoln’s Inn qui déclara vers cette époque toute personne convaincue d’écrire pour les journaux indigne de faire partie du barreau. Southey, qui en avait essayé peut-être sans y réussir, prétendait que la presse périodique détruirait les institutions du pays et que le seul moyen de réprimer la licence des écrivains politiques était de les transporter tous en Australie. On connaît ces doléances : on sait l’effet qu’elles ont produit partout où elles ont été écoutées.

Ces journaux, imprimés sur un petit format, remplis presque en entier par les événemens du jour, ne donnaient qu’une trop petite place aux études sérieuses. Une association formée à Edimbourg entre des hommes d’esprit et de savoir qui s’exerçaient à débattre