se recrutait la chambre des lords. « Plus de la moitié des pairs, disait un historien du temps, ont été élevés à cette dignité sous le règne de George III. On ne citerait dans le nombre ni grands, orateurs, ni grands écrivains, ni penseurs éminens, ni hommes d’état de haute capacité, ni même de vrais nobles du royaume. Ce sont surtout de simples avocats ou des gentilshommes campagnards distingués par leur richesse, par la grande quantité de voix que cette richesse met à leur disposition. »
Des législateurs intéressés à ce point au maintien des sinécures ne devaient pas être partisans des réformes. La richesse donnait tout, l’influence politique d’abord, la possession des sinécures ensuite, enfin les honneurs de la pairie. Les hauts emplois de l’état étaient l’apanage d’une caste privilégiée, et nul emploi n’était indigne d’un duc ou du fils d’un duc pourvu que le profit en fût à la hauteur de cette dignité. Que la fonction à ; remplir fût insignifiante ou importante, elle échéait à quelqu’un de qualifié, non point par son mérite, mais par sa situation dans le monde. Cette aristocratie d’argent n’était pas exclusive, on l’a dit plus haut ; elle accueillait avec empressement les jeunes hommes de talent que le hasard lui présentait. Tout étudiant qui se distinguait aux universités d’Oxford ou de Cambridge avait belle chance d’obtenir le patronage d’un chef de parti, whig ou tory, et de se voir offrir un siège au parlement à l’âge où chez nous l’on n’a pas encore quitté l’école. L’Angleterre était fière de ce recrutement juvénile de ses hommes d’état. Lord Liverpool, Fox, lord John Russell, entrèrent dans la vie publique par cette voie avant vingt et un ans. On commençait dès le collège à se préparer une carrière politique. Aussi les parens avisés envoyaient-ils à l’université l’enfant qui montrait d’heureuses dispositions. Celui-ci grandissait, ayant en perspective la profession d’homme d’état ; il s’y essayait dès le jeune âge et dirigeai ses études dans ce sens.
Et cependant l’instruction que donnaient les célèbres écoles de Eton et de Harrow, les universités séculaires d’Oxford et de Cambridge, se réduisait à l’étude des lettres grecques et latines. Les bons élèves en sortaient capables d’écrire des vers ïambiques, familiers avec les discours de Cicéron et les dialogues de Platon ; ils auraient disserté sur les campagnes d’Annibal et de Jules César ; ils ne parlaient d’autre langue moderne que la leur ; les faits élémentaires de l’histoire contemporaine leur étaient inconnus. À peine avaient-ils retenu les premières notions des sciences exactes, et les professeurs qui leur avaient parlé par hasard d’Adam Smith et de Malthus ne leur avaient certes point inspiré le désir d’étudier les doctrines modernes auxquelles ces deux économistes avaient attaché leur nom. Les défenseurs des études classiques ont bien raison