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s’explique de même façon. Elle avait un siècle d’existence au début de la crise révolutionnaire ; elle avait déjà suspendu trois fois ou entravé par des moyens indirects le remboursement de ses billets. En 1797, l’exportation des espèces métalliques, les faillites de nombreuses banques provinciales, la peur de l’invasion, amenèrent une panique : le parlement autorisa les directeurs de la banque à ne plus payer en numéraire pour une période indéterminée qui devait prendre fin six mois après la signature d’un traité de paix définitif ; cela dura plus de vingt ans. Fut-ce un bien, fut-ce un mal pour la population de l’Angleterre ? L’une et l’autre opinion ont été soutenues. Ce n’est pas que la circulation fiduciaire se soit jamais beaucoup développée ou que ce papier ait jamais été beaucoup déprécié. Aux plus mauvais jours, la banque en émit pour 525 millions de francs ; les billets se négociaient avec 13 pour 100 de perte. Combinée avec les difficultés d’approvisionnement qu’éprouvait le royaume-uni, pour qui les ports de l’Europe continentale étaient fermés, cette situation eut pour conséquence de rendre la vie plus chère, de surélever les fermages de la propriété foncière. Les ouvriers, les rentiers, les gens qui vivent d’un salaire fixe en souffrirent ; les propriétaires et leurs fermiers aussi bien que les négocians en eurent le profit. La surcharge d’impôts que la guerre rendait inévitable opérait dans le même sens. Non-seulement les douanes et en général tous les impôts indirects furent augmentés, ce qui eût été tolérable comme toute taxe que le contribuable ne paie que par intermédiaire ; mais en outre une taxe de guerre spéciale, l’impôt sur le revenu au taux de 10 pour 100, vint atteindre directement chaque citoyen dans le plus clair de ses ressources annuelles.

Cependant, en dépit du blocus continental, ce fut encore le commerce et l’industrie que les circonstances favorisèrent le plus, à tel point que négocians et industriels commencèrent dès lors, en vertu de leurs richesses, à partager l’influence politique dont les propriétaires fonciers avaient joui presque seuls jusqu’à ce jour. Seule préservée de l’invasion et des rapines de la guerre, s’emparant de nouvelles colonies à mesure que Napoléon s’emparait d’un nouvel état et lui en fermait les ports, l’Angleterre devenait la seule nation manufacturière de l’ancien monde. Le blocus continental, combiné avec la suprématie maritime que personne ne lui contestait plus, lui livrait, en dehors de l’Europe, tous les marchés du globe, d’où ses marchandises revenaient sans doute par des voies inconnues jusque sur les marchés du continent dont l’accès direct leur était inter(ut. Personne n’ignore plus que, lorsque le commerce a de larges débouchés, les impôts ne lui pèsent guère par la raison qu’il en rejette le fardeau sur d’innombrables consommateurs. L’activité des