choses qui seraient faites pour l’art, et non plus l’art comme une chose qui serait faite pour l’homme, vous êtes artiste, au sens entier du mot, dans la force et dans la profondeur du terme. Alors, tout autour de vous, si large ou si restreint que soit le cercle de votre expérience; que vous ayez confiné votre vie tout bourgeoisement dans un canton de la Basse-Bretagne ou de la Normandie; que vous ayez promené votre observation vagabonde sur les bords du lac Asphaltite ou sur les ruines de Carthage; vous n’apercevez, — c’est encore un mot de Flaubert, — que « ce qui peut profiter à votre consommation personnelle. » Et c’est une raison pour qu’il vous échappe assurément bien des choses. Vainement invoquez-vous les grands mots : « l’amour de la littérature pour elle-même, » le culte de l’art pour l’art, « la religion de l’idéal. » Si vous avez « fortifié » quelque chose dans ce que vous appelez ambitieusement «la contemplation des réalités, » ce n’est pas tant, comme vous croyez, « la justesse de votre coup d’œil, » c’est surtout, c’est peut-être uniquement la sûreté de votre main. Votre idéal reste toujours un peu bas, comme votre culte un peu matériel, comme votre littérature un peu grossière, parce que vous donnez aux questions de forme et de métier plus d’importance qu’elles n’en devraient avoir. Ce ne sont que des moyens, dont il faut certainement avoir la connaissance entière, et vous les traitez comme des fins, au-delà desquelles vous ne concevriez rien d’ultérieur. Bien plus, et tôt ou tard, poussant à bout l’esthétique de vos aptitudes, vous en arrivez à ce renversement du vrai que de placer l’artifice au-dessus de l’émotion; que de professer en propres termes que l’inspiration doit être amenée plutôt que subie; que de mettre enfin tout ce qui s’enseigne, et tout ce qui s’acquiert, et tout ce qui se transmet, au-dessus du don, ainsi nommé parce que c’est la seule chose qui ne se donne ni ne se reçoive. Tel fut le cas de Flaubert, et, pour ne nommer à côté de lui personne de vivant, c’avait été jadis, dans l’école romantique, le cas de Théophile Gautier.
Mais aussi, par une juste compensation, de cette curiosité passionnée de la forme, toujours en éveil, toujours en quête, et de cet approfondissement du métier toujours poussé, toujours creusé plus avant, quels effets ne peut-on pas tirer? On est étonné quelquefois de voir une critique technique s’acharner subitement à de certaines réhabilitations littéraires : ce qui nous étonne, c’est que l’on s’en étonne. Il faut que l’on oublie, à moins qu’on ne l’ignore, l’objet vrai de la critique et les vraies conditions de l’art. Connaître son métier, certes, ce n’est pas tout, mais n’allez pas croire non plus que ce soit peu de chose. Tel écrivain n’aura pas eu cette