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à la même cause, quoique placés dans des situations diverses. Je ferai de mon mieux pour qu’il en soit ainsi... » Il parlait en toute sincérité : il n’entreprenait pas moins de résoudre par la dextérité le plus difficile des problèmes, celui de faire ou de paraître faire quelque chose de nouveau sans rien désavouer de l’œuvre de la veille.

Quelle était en réalité la politique représentée par ce ministère du 22 février 1836? A l’intérieur, bien certainement, M. Thiers n’avait aucune idée de modifier sensiblement la direction générale de la politique. Lorsque, quelque temps auparavant, il y avait eu une crise au sujet de l’amnistie, il avait dit avec sa netteté hardie : « Je ne veux pas de surprise; je veux que la chambre sache, ainsi que le pays, que je suis membre du gouvernement de juillet pour résister à la révolution quand elle s’égare. Je ne saurais remplir ma mission à d’autres conditions... Je le répète pour qu’il n’y ait pas de surprise, nous sommes des ministres de la résistance... » Ce qu’il avait dit alors comme ministre de l’intérieur, il le répétait sans crainte comme président du conseil au 22 février : «Vous n’oublierez pas, je l’espère, que pour la plupart nous avons administré le pays au milieu des plus grands périls, nous avons combattu le désordre de toutes nos forces. Ce que nous étions il y a un an, il y a deux ans, nous le sommes aujourd’hui. Pour moi, j’ai besoin de le dire tout de suite, et tout haut : Je suis ce que j’étais, ami fidèle et dévoué de la révolution de juillet, mais convaincu aussi de cette vieille vérité que, pour sauver une révolution, il faut la préserver de ses excès. Quand les excès se sont produits dans les rues ou dans l’usage abusif des institutions, j’ai contribué à les réprimer par la force et par la législation. Je m’honore d’y avoir travaillé avec la majorité de cette chambre, et, s’il fallait, je m’associerais encore aux mêmes efforts pour sauver notre pays des désordres qui ont failli le perdre... » Il se montrait encore plus net devant la chambre des pairs, il maintenait plus que jamais la pensée qui avait animé le 11 octobre, les principes qui avaient inspiré les lois de septembre ; mais en même temps, et c’était là le signe révélateur de la politique nouvelle, il laissait entrevoir un certain apaisement des esprits, le goût renaissant des habitudes de légalité, des tendances de conciliation que le gouvernement devait seconder. Ce n’est pas lui qui eût dit le mot : Jamais!

De même, dans les affaires extérieures, M. Thiers n’avait pas un instant songé et il ne pouvait songer à inaugurer d’autres idées, à se détacher de la politique de la paix qui s’identifiait désormais avec le règne. Il le disait sans détour : « On ne change pas à volonté pour le plaisir d’un nouveau venu, pour sa gloire, pour l’amusement des esprits, on ne change pas les affaires d’un pays... Les intérêts