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sanglante que celle de Lyon. Cherchez dans les longues et douloureuses annales des crimes politiques les crimes les plus épouvantables, même le crime de nivôse... Le crime de nivôse peut-il être comparé à celui du 28 juillet, éclatant en plein jour dans une place publique, faisant pleuvoir la mitraille sur des milliers de citoyens ? Oui, nous avons essuyé les attaques les plus violentes qu’aucun gouvernement ait essuyées. Eh bien! je vous le demande, avons-nous laissé troubler nos esprits? Avons-nous cherché des ressources hors de la constitution? » Il triomphait en demandant d’être comparé au passé ; il eût bien mieux triomphé s’il avait pu être comparé à l’avenir !

Jours mémorables où des lois de septembre pouvaient passer pour le dernier mot de la réaction, où l’état de siège, un moment décrété en pleine guerre civile, n’avait pu être supporté et était tombé devant un arrêt de la cour de cassation, où l’on pouvait dire sans être démenti : « Quel gouvernement a jamais été plus attaqué et plus clément! » Jours de sève et de luttes généreuses où tout était à l’unisson, où il y avait au parlement, dans la presse, des hommes comme Lafayette, Lamarque, Odilon Barrot, Berryer, Carrel, Cavaignac, mais où il y avait aussi des ministres, des orateurs qui s’appelaient Casimir Perler, Soult, Broglie, Guizot, Thiers, — où la victoire de la monarchie nouvelle enfin était le prix du courage, de l’éloquence et de la modération!


IV.

Comment cette situation conquise par trois années d’efforts finissait-elle par être menacée? Ce n’était pas sans doute l’œuvre d’un jour et le résultat d’une cause unique.

Le ministère du 11 octobre, malgré sa force et son ascendant, n’avait pas été à l’abri des crises intimes et des changemens partiels. Le duc de Broglie avait le premier quitté le ministère des affaires étrangères à l’occasion de l’indemnité américaine, et ce n’est que quelques mois plus tard qu’il avait repris sa place dans le cabinet. Dans l’intervalle, au courant de 1834, le maréchal Soult avait à son tour quitté la présidence du conseil et le ministère de la guerre, il avait été remplacé par le maréchal Gérard, puis par le maréchal Mortier, puis encore par le maréchal Maison; mais à travers tout la pensée essentielle survivait tant que M. Thiers et M. Guizot étaient là avec le concours de M. de Broglie revenant aux affaires comme président du conseil, complétant et cimentant l’alliance. Cette pensée, elle n’avait pas cessé d’inspirer la politique du régime; elle avait trouvé une dernière