Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/774

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la confusion à la guerre, qu’il n’y avait d’autre moyen de rester en paix avec l’Europe que de retrouver la paix intérieure, qu’on ne pouvait rétablir l’ordre intérieur qu’en dissipant toutes les équivoques, en mettant fin à toutes les incohérences, en redressant d’une main énergique une situation faussée. Il disait un jour devant la chambre : « Tout le monde avoue la monarchie, mais on en décline les conditions... On condamne l’alliance des mois de trône et d’institutions républicaines et on laisse faire la chose... Chacun reconnaît qu’il nous faut un pouvoir fort, tellement que certains esprits s’élancent jusqu’à la pensée des lois d’exception, et au lieu d’en conclure qu’il est bien plus simple de fortifier le pouvoir légal, le pouvoir constitutionnel, on le circonscrit, on l’énerve, on détache pièce par pièce toute son armure, celle qui le défend, celle qui nous protège. Ce qui reste à faire après une révolution, c’est un gouvernement. » Toute la politique intérieure de Casimir Perier est ]à. Il veut refaire un gouvernement et une situation régulière. L’anarchie des idées comme l’anarchie des faits, c’était pour lui l’ennemi, et cet ennemi il le poursuivait sous toutes les formes avec un instinct de l’ordre poussé jusqu’à la passion; mais ce qui est surtout à remarquer, c’est qu’en saisissant le désordre corps à corps il n’entendait le vaincre que par la loi, par la toute-puissance de la loi et du droit commun, u Il n’y a que les gouvernemens faibles, s’écriait-il, qui ont recours aux moyens exceptionnels... Toutes les fois que vous nous confierez l’arbitraire, nous ne voudrons pas en profiter... » Il faut se rappeler avec quel dédain, à propos des troubles naissans de la Vendée, il se défendait d’employer des armes révolutionnaires, « des lois qui n’existent plus, » disait-il, — avec quelle fierté, lui, chef du pouvoir, il répondait à de prétendus libéraux, conseillers honteux de mesures d’exception : « Osez prendre sur votre responsabilité la proposition de ces mesures. » Et s’élevant à un sentiment plus haut de cette autorité légale qu’il revendiquait, dont il entendait exercer tous les droits, il ajoutait un jour: « Le gouvernement se fait un devoir d’être impartial envers tout le monde et de n’épouser les passions d’aucun parti... La nation n’est pas un parti, et nous sommes ici les représentans de la nation... » C’est la grande manière de fonder un gouvernement.

L’idée que Casimir Perier appliquait dans les affaires intérieures, il la réalisait sous une autre forme dans les affaires extérieures. De même qu’il prétendait raffermir l’ordre par l’autorité de la loi, il voulait maintenir la paix avec l’Europe par le respect des traités concilié avec la dignité nationale. Cette paix qu’il avouait résolument avec le nouveau roi pour la vraie politique de la monarchie de juillet, ce n’était ni l’effacement, ni l’abdication, et en donnant l’exemple du respect des souverainetés, des droits européens, il