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Rien certes de plus dramatique que ces orageux débuts d’un grand gouvernement où M. Thiers, pour sa part, n’avait pas tardé à prendre un rôle, non plus en simple journaliste signataire d’une protestation, mais en politique se formant et se préparant à l’action. Dès l’avènement du premier cabinet du nouveau régime, il avait été appelé auprès du plus habile des chefs, le baron Louis, et associé comme conseiller d’état à l’administration des finances singulièrement éprouvées par la révolution. Avec M. Laffitte, au 2 novembre, il avait reçu le titre de sous-secrétaire d’état, et à bien dire il était le vrai ministre sous la direction flottante et inactive du chef de ce second cabinet. Sans être député encore, — il n’était élu à Aix qu’au commencement de 1831, après le vote de la loi qui abaissait à trente ans l’âge de l’éligibilité, — il représentait le gouvernement dans toutes les discussions financières devant les chambres. Il s’essayait à la tribune comme dans les affaires. Il prenait hardiment sa place parmi ces a jeunes acteurs de la révolution de 1830, » dont il parlait dans un de ses premiers discours. Sous-secrétaire d’état ou député, du reste, M. Thiers avait fait son choix entre les deux politiques qu’il voyait se débattre autour de lui, et pour être tout entier à la royauté du 9 août il n’avait rien à désavouer. Il n’avait jamais caché, dans les plus vives ardeurs de ses polémiques contre les Bourbons, ses préférences pour la monarchie ni même ses dédains pour la république. Cette royauté nouvelle du 9 août, il l’avait désirée et préparée, il l’avait aidée à naître; il l’avait défendue en pleine crise contre quelques-uns des combattans de juillet, contre ses jeunes amis du National, Cavaignac, Jules Bastide, Thomas, qu’il conduisait un soir au Palais-Royal et qui, devant le prince encore lieutenant-général, déployaient toutes leurs pas-ions républicaines. M. Thiers, lui, restait après la victoire comme en plein combat un monarchiste constitutionnel, parlementaire. De même un peu plus tard, lorsque M. Laffitte, chef du ministère du 2 novembre, se sentait débordé par le désordre, flottant toujours entre ses entraînemens révolutionnaires et ses velléités semi-conservatrices, M. Thiers n’avait point hésité; il avait essayé jusqu’au bout de fixer les irrésolutions du président du conseil, de le décider à une action plus ferme. Il n’avait pu réussir, et si comme sous-secrétaire d’état, il croyait devoir par honneur suivre M. Laffitte dans sa retraite, il avait d’avance dégagé ses opinions et sa liberté : de sorte qu’il n’avait qu’à rester lui-même pour être un des auxiliaires et bientôt un des chefs de l’entreprise qu’inaugurait Casimir Perier, qui a été la vraie fondation de la monarchie de 1830.

Qu’on se rende compte de la situation telle qu’elle était au 13 mars 1831. Toutes les questions extérieures soulevées par les