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difficultés de toute sorte, intérieures et extérieures, à des adversaires d’autant plus audacieux qu’elle en était elle-même à s’essayer.

Les partisans de la royauté déchue, ceux qu’on allait appeler des « carlistes, » bien que peu à craindre dans leur irréparable défaite, gardaient l’influence d’une longue possession du pouvoir. Ils étaient partout, et après un moment de stupeur, ils recommençaient bientôt à s’enhardir, à remuer certaines provinces, la Vendée, le Midi, même à reparaître à Paris. Ils avaient d’ailleurs dans le parlement quelques représentans parmi lesquels Berryer était homme à soutenir avec éclat la retraite d’une cause vaincue. Les républicains, il y en avait dans la jeunesse de juillet, ne formaient pas encore un parti, ce qui allait être avant peu le parti fanatique de l’insurrection. Plus ardens que nombreux, ils gardaient les armes avec les passions du combat; ils se multipliaient dans les associations agitatrices, dans les clubs, dans une presse violente; ils s’efforçaient par tous les moyens d’entretenir les excitations populaires, de précipiter ou de dénaturer le mouvement. La situation était d’autant plus compliquée qu’entre ces deux camps extrêmes, dans le gouvernement lui-même, parmi les défenseurs ou les conseillers de la royauté du 9 août, on était loin d’être d’accord sur le caractère intérieur et sur le caractère extérieur de la révolution. A côté de libéraux conservateurs comme M. Guizot, M. Mole, M. de Broglie le général Sébastiani, il y avait des hommes qui, sans être républicains, représentaient des opinions avancées et avaient des complaisances pour l’agitation ; le général Lafayette, toujours plein d’illusions, M. Laffitte, M. Dupont (de l’Eure), M. Odilon Barrot, en qui semblaient revivre les idées de 1791. Il s’agissait pour la monarchie nouvelle de savoir si elle retrouverait l’autorité et la force d’un régime régulier ou si elle glisserait dans u un état révolutionnaire permanent, » si elle resterait en paix avec l’Europe ou si elle se jetterait dans les propagandes extérieures au risque de provoquer la coalition des cabinets et d’aller droit à la guerre. La question n’avait pas été décidée sous le premier ministère du 9 août; elle restait plus que jamais incertaine avec le second ministère, celui du 2 novembre 1830, auquel M. Laffitte donnait son nom. Elle ne cessait de se débattre sous toutes les formes, autour du nouveau roi, dans les conseils, dans le parlement, dans la rue, tantôt à propos du procès des ministres de Charles X, tantôt à propos des dévastations de Saint-Germain l’Auxerrois et de l’Archevêché, un jour au sujet de la démission du général Lafayette, un autre jour à l’occasion de la révolution de Belgique. Au fond, c’était une confusion universelle qui menaçait de tout compromettre et qui aurait peut-être tout perdu, si de l’incohérence même n’avait surgi tout à coup un homme fait pour trancher le débat, — Casimir Perier !