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tions anglaises sont arrivées et ont encore une fois tout remis en doute. Le nouveau ministère a trouvé par le fait toutes ces questions engagées, suspendues, compliquées de difficultés croissantes, et autant qu’on en puisse juger, il paraît tenir à se distinguer de ses prédécesseurs sur deux points : il semble faire une plus grande place dans ses préoccupations à la réorganisation intérieure de la Turquie, à ce qu’il appelle « l’extension des statuts organiques aux provinces européennes de l’empire ottoman » et en même temps il modifie assez sensiblement l’action de la diplomatie anglaise. Il ne se tourne plus presque exclusivement, comme le cabinet de lord Beaconsfield, vers Berlin et Vienne, il s’est adressé à l’Europe tout entière. « Le gouvernement de sa majesté, disait tout récemment lord Granville, est arrivé à cette conclusion qu’il n’y avait d’autre chance de succès qu’un accord réel des grandes puissances. Dans la pensée d’amener cet accord, il a adressé une circulaire aux autres puissances européennes pour proposer l’envoi à la Porte d’une note identique sur les différens points de litige… » Cette ouverture du nouveau gouvernement anglais a été accueillie partout et, d’après ce qui paraîtrait, une commission européenne se réunirait encore une fois, tandis qu’un envoyé britannique spécial, M. Goschen, arrive à Constantinople pour représenter la politique nouvelle, pour peser sur la Turquie. Maintenant à quel dénoûment conduira cette tentative succédant à tant d’autres tentatives et à tant d’autres démarches ? Quelle peut être la sanction de cette « note identique » dont lord Granville attend de si merveilleux effets ? Malheureusement les propositions bien intentionnées du ministère libéral anglais ne donnent pas à l’empire ottoman la puissance de se régénérer et à l’Europe les moyens d’en finir avec les affaires d’Orient sans raviver tous les conflits.

Lorsqu’il y a quelques semaines, au lendemain de ces élections qui changeaient si notablement les conditions de la politique anglaise, M. de Bismarck prononçait dans son parlement un discours où perçait la déception, on se demandait si c’était de la part du chancelier d’Allemagne un signe de découragement ou de lassitude. Que les élections d’Angleterre et le changement de ministère qui en a été la suite aient troublé bien des calculs à Berlin et à Vienne, que le ressentiment de ce mécompte imprévu ait été pour quelque chose dans l’amertume de langage du chancelier paraissant au parlement pour se plaindre de tout et de tout le monde, c’est possible, c’est même évident. M. de Bismarck n’est cependant pas homme à se laisser atteindre par le découragement et à s’avouer vaincu pour si peu. Il ne préparait pas son abdication et au moment où, comme un vieux lion, il grondait de son ton le plus morose contre tous ceux qui lui créaient des difficultés à propos de Hambourg, il avait d’autres préoccupations, il poursuivait un autre dessein : il songeait à la manière d’en finir plus ou moins avec le Culturkampf,