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décence des attitudes, c’est avec une véritable inquiétude que nous cherchons, et toujours vainement, la police absente.

La naïveté qui faisait autrefois une grande partie du charme de aos peintres de genre, vous la trouveriez difficilement aujourd’hui parmi eux. Il semble qu’ils soient avant tout préoccupés de nous montrer leur esprit, de souligner leurs reparties; mais le trait de ces plaisanteries, un peu trop complaisamment renouvelées, s’émousse à la longue, et pour le naturel, ils en ont tout juste autant que ces choristes de théâtre qui manifestent par des chants prolongés leur intention de se retirer au plus vite. C’est plutôt parmi les étrangers que vous rencontreriez quelque trace de cette fraîcheur d’impression dont nous sommes en quête; chez M. Simon Durand, par exemple, qui montre une gaîté de bon aloi dans son Bonhomme Noël, ou bien chez ce bon grand-père que M. Anker a représenté si tendrement endormi avec son petit-fils. Non loin de là, M. Bischopp exprime avec délicatesse les sentimens de douleur et de commisération d’une mère et de son amie en face d’un berceau vide, et M. Edelfelt a mis une poésie plus touchante encore dans son Convoi d’un enfant norvégien. Cette clarté matinale qu’il fait reluire sur les eaux tranquilles d’un grand lac est en harmonie avec la tristesse douce et résignée de ces honnêtes parents, groupés dans une barque autour du petit cercueil. Dans les salles consacrées aux autres nations, nous recueillerions ainsi encore plus d’un trait émouvant ou naïf exprimé avec talent; mais peut être aurions-nous le droit de revendiquer pour nous quelques-uns de ces étrangers. Plusieurs, en effet, sont devenus de purs Parisiens et beaucoup d’entre eux, le livre nous l’apprend, ont profité des enseignemens directs de notre école. Nous pouvons, du moins, nous attribuer sans contestation M. Dagnan-Bouveret et son tableau, un Accident, qui le met d’emblée en tête de nos peintres de genre. La scène est bien simple cependant, mais dans les arts comme dans la vie vous devez vous être habitué à ne pas mesurer les résultats à l’humilité des points de départ. Le héros de l’aventure, celui qui est ici l’objet de l’attention et de l’intérêt de tous, c’est un enfant blessé qui tend courageusement sa main meurtrie à un jeune chirurgien qui le panse. Il a perdu beaucoup de sang, ce pauvre petit; mais il est brave, il veut tenir jusqu’au bout et, les lèvres serrées, il fait de son mieux pour ne pas défaillir. Autour de lui des parens, des amis, attentifs ou désolés, assistent à l’opération et en suivent avec anxiété toutes les phases. Telle est la donnée, fort élémentaire, nous vous l’avions dit. Elle a suffi cependant à M. Dagnan pour manifester cette communication de sentimens qui réunit parfois dans une même impulsion des âmes humaines. M. Dagnan, il est vrai, possède les qualités les plus