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semblent presque des impressions morales et provoquent en nous d’intimes résonnances.

Bien souvent, sans se répéter jamais, M. Breton a exprimé la douceur et le recueillement de ces mt mens privilégiés et, cette année encore, il a voulu nous peindre avec le Soir ce grand apaisement qui se fait dans la campagne alors que, dans ses voiles de vapeurs roses et bleuâtres, le soleil va disparaître à l’horizon. Sous cette lumière attendrie, tout se tranquillise ; les tons se calment et les valeurs s’unifient. Les moindres gestes ont leur signification et les silhouettes leur grandeur. Entre les inflexions des formes et les dégradations de la couleur, ce ne sont que rapprochemens délicats et mutuelles caresses. Ces heureux accords de la nature et de l’art, nous les retrouvons dans le Soir aussi bien que dans le fin portrait qu’a également envoyé M. Breton ; et nous ne saurions opposer de plus éloquentes protestations contre cette inertie intellectuelle dont on nous menace et qui tendrait à accepter passivement, dans la littérature comme dans les arts, les données de la réalité. M. Breton a toujours voulu voir au-delà. Comme les vrais poètes, il se met tout entier dans son œuvre, sa pensée y vit et l’anime. Son secret à lui, c’est d’aimer les choses ; on n’a pas encore trouvé meilleur moyen de les faire aimer aux autres.

Des premiers, M. Breton a frayé la voie. Bien d’autres y ont marché depuis pour nous montrer à leur tour l’activité humaine aux prises avec la nature afin de s’approprier ses ressources. Entre toutes, la vie du marin devait séduire les peintres par la richesse des élémens pittoresques ou dramatiques qu’elle leur offre. M. Butin a beaucoup vécu avec les pêcheurs et il les connaît bien. On le voit à ses tableaux, et un de ses amis, M. Duez, — qui fait volontiers lui aussi, et toujours avec à-propos, intervenir la mer dans ses œuvres, — nous montre cette année même, dans le portrait du peintre, avec quel courage il poursuit, jusque pendant la saison froide, ses études au dehors. Dans ces relations prolongées avec les populations de nos côtes, M. Butin a appris à les aimer, et il se consacre à peindre dans sa vérité leurs rudes existences, à nous montrer ces femmes de pêcheurs énergiques et robustes, toujours prêtes à donner un coup de main à « l’homme » et à partager ses fatigues et ses dangers. M. Butin a sans doute été témoin de la scène qui lui a inspiré son Ex-voto, et il nous communique aujourd’hui l’émotion qu’il a ressentie en voyant cette famille de pécheurs, les vieux parens en tête, qui va porter sa modeste offrande à l’église du village. Entre le danger de la veille et celui du lendemain ces braves gens ont voulu à la fois témoigner leur reconnaissance et demander une protection. On sent que ce n’est pas là une vaine démonstration et que cette religion, si elle n’est pas bien