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en lui ajoutant une grâce de plus. Il faut que M. Jacquet rende parfaite une œuvre qui est aussi près de l’être.

Le nom de M. Jacquet amène naturellement celui de M. Cot; ils ont même clientèle élégante, et avec bien des différences qu’il serait facile de relever, ils ont aussi bien des qualités pareilles. Ce n’est pas cependant à M. Cot que nous demanderions jamais de mener plus loin l’exécution de son œuvre. Il est sur ce point d’une exigence que nous trouverions excessive si son habileté n’était, pour le moins, égale à sa conscience. Jamais ses scrupules ne vont jusqu’à fatiguer son travail, et pour être moins apparens, moins en dehors, ses mérites restent très solides. Le Portrait de Mlle de L. en fait preuve et surpasse peut-être les précédens ouvrages de l’artiste. Le difficile problème de montrer la richesse et la variété du coloris en se bornant aux modulations d’un seul ton, ce problème qui a déjà tenté bien des peintres et que nous voyions si cavalièrement résolu tout à l’heure, M. Cot se l’est posé à son tour et presque dans les mêmes termes que M. Carolus Duran. Est-il besoin de dire que c’est par d’autres moyens qu’il en a trouvé la solution? C’est à force de minutieuse justesse qu’il a su composer un ensemble harmonieux de tous ces rouges qui non-seulement s’opposent ici dans leurs nombreuses nuances, mais qui parfois ne diffèrent que par la diversité des tissus. L’importance laissée à la figure montre d’ailleurs que M. Cot n’a attribué à cette partie de sa tâche qu’un rôle secondaire. Cette importance reste entière, et il n’était pas possible de rendre avec plus de naturel et de correcte élégance le modelé précis de ce petit corps, la souplesse et la fermeté des chairs, la finesse des attaches, la grâce et la décision de ce jeune visage si bien coiffé de ses cheveux épars. L’attitude est encore d’un enfant, mais déjà l’expression est plus sérieuse, et ce chien familier qui se presse contre cette petite femme en essayant d’attirer son attention, devra bientôt se résigner à devenir plus respectueux vis-à-vis de l’ancienne compagne de ses jeux. Si nous préférons le portrait de Mlle de L. à l’Orage, qu’a également exposé M. Got, le public sans aucun doute dédommagera l’artiste de nos préférences. À ce jeune garçon et à cette fillette qui fuient enlacés devant les approches de la tempête, il fera, suivant toute apparence, le même accueil qu’au Printemps, que la gravure, la peinture sur émail ou sur porcelaine, se sont employées et s’emploient encore à reproduire. Il serait difficile de citer un succès aussi populaire et aussi persistant. Peut-être y aurait-il quelque satiété pour le peintre lui-même à le voir se répéter et à retrouver aux expositions prochaines et aux vitres des marchands ces copies formelles ou ces réminiscences mal déguisées