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aujourd’hui. Malgré la faveur accordée à la fin du dernier siècle au système physiocratique, l’assemblée constituante avait ajouté, en effet, à l’impôt foncier, des taxes sur les revenus mobiliers, commerciaux et industriels et sur les salaires, ainsi que des droits de douane et d’enregistrement ; elle n’avait supprimé que les impôts de consommation, qu’on a dû d’ailleurs rétablir quelques années après, pour sortir de l’ère des déficits et des banqueroutes. Aujourd’hui, avec les charges énormes créées par la guerre de 1870, ajoutées à celles de nos budgets antérieurs, on propose sérieusement de supprimer tous les impôts directs et indirects, et de les remplacer par un seul impôt sur le capital fixe ! On voudrait aller plus loin que le législateur de 1791 et abolir même les taxes qu’il avait maintenues ou créées, taxes jugées nécessaires pour un budget de dépenses beaucoup moins lourd et qui ont cependant été encore très insuffisantes ! L’impôt unique sur le capital ne conduirait pas seulement à une banqueroute immédiate de la France, il serait de plus en soi, absolument injuste : les capitalistes, eussent-ils 500,000 fr. de revenus en valeurs mobilières, les banquiers, les industriels, les marchands en gros, ou en détail, les médecins, les avocats, feraient-ils 100,000, 200,000 francs, 1 million de bénéfices annuels dans l’exercice de leurs professions, ne supporteraient pas un centime des charges publiques !

Un système qui consacrerait de telles inégalités dans la répartition des dépenses de l’état, et qui aurait des conséquences si désastreuses, ne pouvait pas être l’objet d’un débat sérieux dans les commissions parlementaires ni devant les chambres. Aussi nous ne l’avons examiné et discuté que parce que nous voulions faire un exposé complet de tous les projets de réformes de l’ensemble de nos contributions directes.


MATHIEU-BODET.