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encore les inégalités. Dans certains départemens, l’impôt mobilier ne représente en principal que 1 1/2 ou 2 pour 100 des valeurs locatives; dans d’autres au contraire, il est de 6 à 7 pour 100, alors que le taux moyen est d’environ 4 pour 100 du montant des revenus des propriétés bâties. Un recensement général des valeurs locatives serait nécessaire pour asseoir cet impôt sur une base réellement proportionnelle. Il est évident que la loi du 4 août n’a pas atteint ce but; la contribution mobilière ne sera assise proportionnellement sur le produit des propriétés que lorsque toutes les maisons existantes en 1846 auront été démolies et remplacées par des constructions nouvelles, c’est-à-dire dans un délai qui ne sera certainement pas de moins d’un siècle. Le mode de quotité devra être le complément de ce travail; il maintiendra l’égalité de la répartition pour l’avenir; il aura en outre l’avantage de procurer au trésor le bénéfice de l’accroissement successif et continu des revenus des maisons. Nous avons vu que, de 1823 à 1829, les valeurs locatives ont augmenté de 28 pour 100; depuis cette époque, elles ont continué leur marche ascendante plus ou moins rapidement. Il est vrai que, depuis 1846, l’état a bénéficié de l’augmentation des revenus résultant des constructions nouvelles. La contribution mobilière de ce chef s’est accrue de 18 millions; mais il n’a pas profité de la plus-value des loyers des maisons bâties antérieurement à cette époque. Cette plus-value est certainement considérable. Si on applique au montant de toutes les valeurs locatives, constaté par le résultat du recensement général, la taxe du vingtième du revenu net admise par la loi de 1844, l’impôt mobilier donnera un accroissement de recette qui probablement ne sera pas inférieur à 10 millions.

On a reproché à l’impôt mobilier diverses imperfections : on a dit notamment qu’il taxe proportionnellement plus les nombreuses familles que les petites; qu’en effet, l’importance des loyers dans certains cas, au lieu d’être l’indication de l’importance des revenus des contribuables, n’est que la conséquence des besoins particuliers résultant de l’existence d’un plus grand nombre d’enfans; on pense qu’il serait juste dans ces circonstances de modérer le taux de la taxe mobilière. Quelques économistes ont proposé de modifier la loi française en ce sens. « Nous ne voyons pas pourquoi, dit M. Leroy-Beaulieu[1], on ne tiendrait pas compte, pour l’assiette de l’impôt, du nombre des membres des familles: un célibataire pourrait être astreint à une taxe un peu plus élevée relativement à son loyer que la taxe qui frapperait un ménage dans les mêmes

  1. Traité de la science des finances, t. I, p. 357.