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L’APÔTRE DE LA DESTRUCTION UNIVERSELLE.


Au congrès de la Ligne de la Paix et de la Liberté, réuni à Rome en 1869, sous la présidence de Victor Hugo, il fit avec quelques-uns de ses amis une tentative pour faire voter des résolutions communistes. Il n’obtint que 30 voix contre 80. Indigné de l’imbécillité et de la lâcheté des démocrates bourgeois, il fonda une société nouvelle qui devait être l’organe de ses idées, l’Alliance de la démocratie socialiste.

Un extrait de son programme suffira pour en faire apprécier les tendances. « L’Alliance se déclare athée. Elle veut l’abolition définitive et entière des classes et l’égalisation politique, économique et sociale des deux sexes. Elle veut que la terre, les instrumens de travail comme tout autre capital, devenant la propriété de la société collective tout entière, ne puissent être utilisés que par les travailleurs, c’est-à-dire par les associations agricoles et industrielles. Elle reconnaît que tous les états politiques et autoritaires actuellement existant devront disparaître dans l’union universelle des libres associations. »

Comment réaliser ce changement radical ? Évidemment par la force employée sans trêve et sans merci. Les bakounistes ne le cachaient point. L’un d’eux, Jaclard, s’écria dans ce congrès destiné à fonder la paix universelle : « Vous voulez conserver les institutions actuelles pour les améliorer ? Vaine tentative. Elles ne peuvent être que des instrumens de tyrannie et de spoliation. Nous, nous sommes logiques : nous voulons tout détruire. Nous nous séparons de vous, et nous vous le disons : Vous aurez la guerre, et elle sera terrible. Elle se dressera contre tout ce qui existe. Oui, il faut en finir avec la bourgeoisie et ses institutions. Ce n’est que sur leurs ruines fumantes que s’assoira la république définitive. C’est sur les ruines couvertes, je ne dirai pas de leur sang, — il y a longtemps qu’ils n’en ont plus dans leurs veines, — mais de leurs détritus accumulés, que nous planterons le drapeau de la révolution sociale. » L’Alliance déclara adhérera l’Internationale, mais le conseil général refusa de l’admettre, disant que l’Alliance, qui se proclamait aussi internationale, ne pouvait comme telle entrer dans ses cadres. L’Alliance prononça alors sa dissolution et ses sections furent admises isolément dans la grande association. Fixé à Genève, Bakounine y fonda le journal l’Égalité. Par ses articles dans le Progrès du Locle, il poussa les socialistes du Jura à se séparer des radicaux de la Suisse romande. Il y créa ainsi le groupe des « autonomistes, » adversaires des « autoritaires » marxistes. Ses idées, apportées en Espagne par les internationaux, s’y répandirent avec une rapidité extraordinaire. Les « anarchistes » gagnèrent aussi du terrain parmi les socialistes français. Le 28 septembre 1870, il organisa