commun, « la tendance des corps les uns vers les autres. » Mais quelle est la source à laquelle en doit rapporter l’origine de cette tendance? Cabanis, entraîné par les idées favorites de son siècle, et séduit par les merveilles alors tout récemment dévoilées par Volta et Galvani, est porté à croire que l’agent universel dont les phénomènes de l’univers seraient la manifestation, est l’électricité. Mais ce n’est encore là que l’apparence; c’est langage de physicien; le métaphysicien et le philosophe s’élèvent plus haut. Lui, le prétendu apôtre du matérialisme, c’est dans l’esprit, c’est à ce qu’il y a de plus élevé dans la nature, qu’il demande le secret du véritable fond des choses : « Est-il permis, dit-il, de pousser plus loin les conséquences? Les affinités végétales, les attractions chimiques, cette tendance elle-même de toute matière vers le centre, tous ces actes divers ont-ils lieu par une sorte d’instinct universel inhérent à toutes les parties de la matière?.. Et cet instinct lui-même, en se développant de plus en plus, ne peut-il pas s’élever jusqu’aux merveilles les plus admirées de l’intelligence et du sentiment? Est-ce par la sensibilité qu’on expliquera les autres attractions, ou par la gravitation qu’on expliquera la sensibilité et les tendances intermédiaires? Voici ce que, dans l’état actuel des connaissances, il est impossible de prévoir. Mais si l’on est un jour en état de réduire le système entier à une cause commune, il est vraisemblable qu’on y sera conduit plutôt par l’étude des résultats les plus complets, les plus parfaits, les plus frappans que par celle des plus bornés et des plus obscurs : car ce n’est pas ici le lieu de commencer par le simple pour aller au composé. Et n’est-il pas d’ailleurs naturel de penser que les opérations dont nous pouvons observer en nous-mêmes le caractère et l’enchaînement sont plus propres à jeter du jour sur celles qui s’exécutent loin de nous que ces dernières à nous faire mieux analyser ce que nous faisons et sentons à chaque instant? »
Cette page capitale contient en germe toute la philosophie de Schopenhauer, avec cette seule différence que Cabanis appelle sensibilité ce que celui-ci appelle volonté : encore ce terme même ne fait-il pas défaut, puisque nous avons vu plus haut qu’il parlait de « volontés partielles » attachées aux centres inférieurs; et comme il dit lui-même ailleurs « que le moi réside surtout dans la volonté, » il ne se fût pas sans doute refusé à appeler volonté le principe qui anime le moi universel résidant dans la nature, comme il appelle volonté le principe d’action qui anime les moi partiels résidant dans les organes subordonnés.
Lorsqu’on réfléchit sur cette doctrine par laquelle se termine le livre sur les Rapports du physique et du moral, on est moins étonné de la prétendue contradiction que l’on a cru voir entre cet ouvrage et la Lettre à Fauriel sur les causes premières ; de même que, dans