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tellement perfectionnées comme voies de communication, qu’un canal souterrain pénètre dans les mines jusqu’au débouché des galeries, de sorte que le charbon, au sortir des tailles, est chargé sur les bateaux qui le transportent vers la mer d’Irlande par le canal de Manchester à Liverpool.

L’excès considérable de la production sur la consommation a naturellement pour conséquence de procurer aux navires anglais un fret de sortie assuré, et c’est non moins à ce fret de sortie qu’à sa situation insulaire et au grand développement de ses côtes que l’Angleterre doit la supériorité de sa marine marchande. L’exploitation houillère, en effet, augmente sans cesse le nombre de ses navires de commerce, de ses matelots, des ouvriers de ses chantiers, et accroît par suite les ressources de la marine de l’état. L’Angleterre regarde à bon droit la flotte charbonnière de Newcastle comme le point de départ de sa puissance maritime. C’est la principale école de ses marins, et le commerce.de la houille a pu être appelé avec raison « le père et le protecteur de la marine britannique. »

Ainsi donc, au point de vue commercial, l’exportation houillère, si elle pouvait être organisée chez nous sur une vaste échelle, procurerait à notre marine marchande, comme elle le fait en Angleterre, un fret de sortie à peu près constant. Or, on sait que l’un des principaux obstacles qu’elle rencontre pour soutenir la concurrence anglaise est précisément la rareté du fret de sortie ; à part ses fers, ses céréales et ses vins, dont la production traverse maintenant une crise dont on ne prévoit pas encore la fin, la France n’expédie guère que des produits manufacturés, marchandises légères pour la plupart.

De toutes les matières lourdes, la houille est celle qui rend les plus grands services à la navigation britannique; c’est le transport de ce combustible qui permet aux navires anglais de faire des trajets considérables pour aller chercher du fret de retour. C’est ainsi que ces navires, chargés de charbons, arrivent sur divers points de la Méditerranée et y prennent des marchandises qu’ils amènent dans nos ports, même à Marseille, à des prix auxquels les nôtres ne peuvent descendre, forcés qu’ils sont de compenser par l’élévation du fret de retour l’absence du fret d’aller.

Tout navire anglais, en quête de chargement, est certain d’en trouver à Newcastle, à Sunderland, à Cardiff et dans vingt autres ports du Royaume-Uni. Il peut y prendre pour l’Inde du fret à 40 ou 50 francs la tonne, et se contenter au retour d’un fret de (50 ou 70 francs, tandis que le navire français, parti sur lest pour la même destination n’y peut charger en retour pour couvrir ses dépenses, à moins de 100 ou 110 francs.

Aidés par l’exportation des houilles françaises, nos navires pourraient