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Méditerranée; et les charbons du Gard, après avoir satisfait à toutes les demandes locales, constituent un excédent considérable qui peut devenir un élément de fret important pour l’exportation maritime.

Au premier abord, il semble assez peu rationnel de se dessaisir d’un produit dont on manque pour ses propres besoins et qu’on est obligé de demander dans une très forte proportion à l’étranger. Mais il n’en est pas du charbon comme des marchandises ordinaires. On conçoit en effet très bien que les mines du Maine, de la Loire et de l’Aveyron, par suite de leur position géographique, alimentent spécialement une partie du centre de la France et que leurs charbons ne puissent être destinés à l’exportation. Il en est de même des houilles du Nord, si insuffisantes pour approvisionner nos départemens septentrionaux; ces départemens sont obligés d’emprunter pour les besoins de leurs nombreuses industries toutes les houilles de provenance étrangère. Ainsi les produits du bassin de Sarrebruck alimentent notre ancienne Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté; les houilles belges pénètrent dans huit ou dix de nos départemens du nord, où la consommation du combustible minéral est si active et qui sont encore dans la nécessité d’avoir recours aux charbons anglais; ces derniers enfin envahissent la Normandie et tout l’ouest de la France, qui est pour eux un immense débouché. La concurrence avec les produits de l’Allemagne, de la Belgique et de l’Angleterre est donc impossible dans la majeure partie de la France; et on doit se résigner, pour très longtemps encore, sinon pour toujours, à voir les charbons étrangers tenir la plus grande place sur les marchés de l’est, de l’ouest et du nord.

Mais il n’en est pas de même dans la vallée du Rhône et dans la région maritime. Le littoral, qui était autrefois un marché exclusivement anglais, a pris depuis peu d’années une physionomie toute différente. Pendant longtemps nos produits étaient restreints à une consommation purement locale, et des entrepôts de charbons anglais venaient s’établir presque sur les lieux de production de nos houilles, comme pour mieux faire ressortir l’inutilité de nos efforts et l’impossibilité de notre concurrence. La situation a changé. Nos houilles luttent victorieusement aujourd’hui sur la place de Marseille avec les produits de la Grande-Bretagne. Nous avons marché très rapidement dans cette voie d’indépendance industrielle; le moment est proche où nos exportations ne s’arrêteront pas à quelques villes de l’Italie et de l’Espagne; et, grâce au percement de l’isthme de Suez, nous devons un jour faire concurrence aux produits de l’Angleterre, non-seulement sur tous les points du littoral de la Méditerranée et de la Mer-Noire, mais jusque dans l’extrême Orient.

La houille est en effet une de ces matières dont le prix brut est