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enceinte infranchissable, sont situées les lagunes et les marais. Ce premier cordon littoral se trouve au nord d’Aigues-Mortes ; c’est le massif jadis boisé, aujourd’hui très éclairci, de la Sylve Godesque. Il commence aux plages de Mauguio et de Pérols dans le département de l’Hérault, traverse la Camargue au nord de l’étang de Valcarès, et vient se souder à la montagne de Fos, dans le département des Bouches-du-Rhône. Il a détaché de la mer toute la plaine marécageuse qui se trouve au sud d’Arles et du village de Fourques, dont le nom furca, fourche, indique le point de diramation des deux bras du Rhône, et il constitue les bas-fonds de l’ancien port de Saint-Gilles. Cette plaine fut jadis une grande lagune, longtemps navigable, que l’exhaussement séculaire du fond des marais a depuis transformée en lagune morte, et que l’agriculture a presque en entier conquise aujourd’hui, à l’exception de l’étang de Scamandre, dont le plafond est à près de 2 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée (exactement de 1m, 50 à 1m, 90).

Dès qu’on a dépassé ce premier cordon littoral, si on continue à marcher vers la mer, on entre dans une large dépression de terrain ; c’est l’étang de Leyran ou le Grand-Palus ; les eaux en sont plus salées que celles de l’étang de Scamandre et témoignent ainsi de la présence plus récente ou d’un séjour plus prolongé de la mer disparue. On franchit ensuite un deuxième cordon littoral, parallèle au premier et formé, comme lui, de dunes sablonneuses et incultes. De rares plus parasols, quelques peupliers et une végétation souffreteuse et rabougrie, permettent de le suivre depuis Aigues-Mortes jusqu’aux étangs de la petite Camargue ; c’est la seconde étape du rivage dans son mouvement séculaire d’avancement. Puis vient un troisième cordon qui présente les mêmes caractères et la même orientation et qui a isolé les étangs de la Marette, des Caïtives, de la Ville et du Roi. Une quatrième ligne de dunes enfin court le long de la plage actuelle, nue, stérile, mobile même sous l’action des vents et des tempêtes ; elle complète l’appareil littoral et a séparé du domaine maritime les étangs du Repausset et du Repos. C’est la dernière station de la mer, l’extrême barrière façonnée par les vagues, œuvre toute récente pour le géologue, mais qui, pour l’historien, remonte aux époques les plus éloignées et était, sinon complètement achevée, du moins en voie de formation plusieurs siècles avant l’origine de notre ère.

Aigues-Mortes est située sur le deuxième cordon littoral, à cheval entre le Grand-Palus de Leyran et le groupe des étangs de la Ville et de la Marette. Le premier est au nord, les autres au midi. Ces longues lignes de dunes et les bas-fonds marécageux qui les séparent sont caractérisés par des flores tout à fait distinctes. Les pins