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dire d’une amphibie sortie des eaux de la mer, d’une naissance inconnue, de commencemens serviles, épouse d’un cul-de-jatte qui ne subsistoit que de son esprit et de ses plaisanteries, veuve réduite à vivre de la charité de sa paroisse et peu après de ses appas, devenue gouvernante d’enfans obscurs nés pour le néant et cachés au monde, puis produite au jour avec eux dans la domesticité de leur mère, y être insupportable au roi qui, plus d’une fois, ne put obtenir de Mme de Montespan de la chasser, s’y accoutumer enfin, s’en laisser ensorceler après jusqu’au point, non pas d’en faire sa maîtresse, mais de l’épouser, tout parfaitement instruit qu’il fut de son état et de sa conduite, d’être deux fois au moment de la déclarer, la montrer reine dans le particulier en plein, et en public avec des voiles, de lui rendre des assiduités longues et journelles, sans y manquer un seul jour, de souffrir à peine une gaze sur leur mariage et de la déchirer presque à sa mort, telle fut la fameuse Maintenon, dont l’adresse et la toute puissance » seront traitées plus tard. « La chute de la gloire d’un si grand roi dans un gouffre si profondément honteux à quarante-six ans qu’il avoit lors, porte injure à l’humanité et n’a point de semblable, ni rien qui en approche dans tous les siècles. On ne peut donc en faire aucune comparaison avec les promesses de mariage que fit Henri IV, quelque fâcheuses qu’en aient pu être les suites. Celles de ce mariage trop réel se feront longtemps et cruellement sentir à la France, celles des faiblesses d’Henri IV n’ont fait que la menacer. » (P. 105-106.)

On voit par l’exagération des termes quelle est la violence du sentiment qui entraîne l’écrivain. Quand il revient au caractère politique de Louis XIV, son style se modère et l’expression devient plus juste, sans cesser d’être aussi forte. Il cherche à sonder le problème du pouvoir absolu, en étudiant successivement le despote qui l’exerce et les hommes qui le subissent; sa pensée va du prince aux sujets, alternant les portraits, les analyses, recherchant les causes et les conséquences. « Louis XIV, dit-il, devenu promptement le plus absolu des rois après la paix des Pyrénées, ne perdit jamais le souvenir de ce qu’il avoit essuyé de ses sujets auparavant et fut environné de ministres dont l’intérêt tout entier fut de le rendre tel qu’on l’a vu dans sa cour, toujours roi et jamais homme. Aussi n’aima-t-il jamais que lui et pour lui, ni dans sa cour, ni dans sa famille et ne connut point comme Henri IV et Louis XIII le bien et le plaisir d’avoir des amis. » (P. 117.)

« Une vanité, dit ailleurs Saint-Simon, qui porta l’orgueil au comble, qui s’étendit sur tout, qui le persuada que nul ne l’approchoit en vertus militaires, en projets, en gouvernement; de là ces