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fougue qui l’excitoient aisément et une faiblesse qui craignoit tout et ne savoit résister à rien; toujours prêt à brouiller et à s’en repentir, et roulant sans cesse dans ce cercle de révoltes, de partis et d’accommodemens, sans savoir rien soutenir après l’éclat, ni se procurer un accommodement honnête, beaucoup moins à ceux qui l’avoient suivi, aussy facilement empaumé que séparé d’eux et glissant avec une égale facilité des mains du roy et de celles de sa mère et des partisans qui s’étoient attachés à lui. Malgré des défauts si propres à le dénuer de tout parti, il en eut toujours tant qu’il voulut par la longue stérilité du mariage de Louis XIII et la mauvaise santé de ce prince qui firent regarder Gaston, vingt-deux ans durant, comme l’héritier présomptif de la couronne, et depuis que le roy, de plus en plus d’une santé menaçante, eut des enfans, firent considérer son frère comme le futur et prochain administrateur du royaume, sous la reine sa belle-sœur, avec qui il étoit de tout temps dans une liaison intime et personnelle par la communauté de leurs haines et de leurs affections. » (P. 21.)

« Ordinairement, continue ailleurs Saint-Simon, le mariage émancipe; mais ici, par un prodige des mêmes inclinations et tôt après des mêmes intérêts, les deux reines se reconnurent dès avant d’arriver à Paris; elles s’attachèrent, c’est trop peu dire, elles s’amalgamèrent si hermétiquement l’une à l’autre qu’elles ne firent plus qu’un, au grand malheur du jeune époux, et que rien ne put jamais les déprendre le moins du monde l’une de l’autre, non pas même la séparation forcée de Compiègne. »

« C’étoit donc d’une mère, d’un frère unique et d’une épouse que Louis XIII avoit continuellement à se garder. Ce malaise domestique étoit extrême et continuel. Telle fut la cause de la grandeur de Richelieu et des favoris qu’eut Louis XIII. » (P. 23.)

Dans une autre partie du Parallèle, Saint-Simon aborde enfin ce problème des rapports du roi et du cardinal. Il devine lui-même notre curiosité. « Venons maintenant, dit-il, au gouvernement de Louis XIII. C’est icy sans doute qu’un lecteur m’attend. Un gouvernement obombré d’un premier ministre tel que le cardinal de Richelieu, entre Henri IV qui a été lui-même le sien dans les temps les plus difficiles et Louis XIV qui a toujours voulu paroître être aussi le sien, et l’un et l’autre non moins avides de louanges et d’éloges que très jaloux de gloire, ne doit pas briller, enseveli dans la modestie du seul qui ait pris à tâche de tarir les louanges et qui en soit venu à bout entre tous nos rois……. Pour bien juger de son gouvernement, il y a trois points qu’il ne faut pas perdre un moment de vue : sa déplorable éducation et jeunesse jusqu’à la mort du maréchal d’Ancre; ses malheurs domestiques qui, sans