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postérité a pris coutume de dire qu’il ne fut grand que par son père et par son fils.

Dès ses premières années, l’éducation de ce prince forme un frappant contraste avec celle de son père. « Henri IV fut à l’école de l’adversité, » Louis XIII à celle « de la grandeur et de la paix florissante. » Il aurait fallu que son éducation réagît contre ce principe de mollesse. Malheureusement sa mère était Là; « pour jouir tranquillement de sa fortune, il falloit à cette régente un fils qui n’eût que le nom de roi. » Dominée par ses courtisans, elle le laisse croupir dans l’oisiveté, l’inutilité, l’ignorance. Saint-Simon est sévère, il paraît dur : il l’est moins que la réalité, telle que nous la montrent les témoignages les plus véridiques. Le médecin Héroard, attaché par Henri IV à la personne de son fils le jour de sa naissance, n’est guidé par aucune passion. Dans son journal, il n’y a pas une ligne, pas un mot qui trahisse une haine, une visée secrète, un sentiment personnel. Il accumule des faits, rien que des faits et il en ressort contre ceux qui ont élevé Louis XIII des preuves accablantes qui justifient tout ce que laisse entendre l’auteur du Parallèle. « Le roi, continue Saint-Simon, s’est plus d’une fois plaint amèrement à mon père, dans la suite, en parlant de son éducation qu’on ne lui eût pas même appris à lire, » en lui répétant qu’on l’accablait « des plus durs traitemens » et qu’on s’appliquait à l’abattre par la solitude, l’ignorance et la plus austère contrainte et captivité. « Après avoir renversé Concini, Luynes n’avoit garde de laisser ouvrir les yeux à son jeune maître. » Tout en le conservant prisonnier, il eut l’art de « donner cours à la joye d’une première liberté et à l’apparence de la toute puissance, en nourrir, en amuser le prince, le forcer de se reployer sur ce faste et sur les plaisirs dont il devoit être si affamé dans leur entière nouveauté pour luy, l’empêtrer par l’embarras des affaires et du gouvernement où tout lui étoit, et hommes et choses, entièrement inconnu, et gouverner ainsi en plein, en lui faisant accroire que c’étoit désormais luy qui gouvernoit et dont les volontés étoient les seules respectées... Ce fut le chemin qui porta Luynes et ses deux frères à la monstrueuse fortune où ils parvinrent avec une rapidité si prodigieuse et qui mit l’épée de connétable dans une main qui jusqu’à ce comble avoit si peu manié les armes. C’est aussy ce qui m’a fait pousser la captivité d’esprit, si non de corps, au delà de la tyrannie de Marie de Médicis et la porter jusqu’à la mort de Luynes qui jouit si peu de la première dignité du royaume. » (P. 35.)

Quand Luynes mourut, Saint-Simon assure que Louis XIII commençait à ouvrir les yeux. « Il étoit honteux d’une telle élévation arrachée à son âge... Il le trouvoit chargé d’une grandeur qui prenoit trop d’autorité, il l’a souvent dit à mon père et s’est plaint à