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sans contredit le travail que l’écrivain avait revu avec le plus de soin, c’était son œuvre de prédilection, et elle méritait de fixer tout d’abord l’attention des chercheurs.

Le Parallèle entre les trois premiers rois de la maison de Bourbon porte la date de mai 1746. Il est probable que, les Mémoires étant achevés depuis peu, Saint-Simon entreprit un travail dont il possédait tous les élémens et dont il avait conçu dès longtemps le dessein. Nous connaissons trop ses sentimens envers Louis XIII pour douter du mobile qui l’avait déterminé. D’ailleurs l’auteur ne veut pas d’équivoque, et dès le début, il prend soin de marquer le sentiment auquel il obéit : « Je ne dissimuleray pas, dit-il, que l’impatience de l’injustice si communément faite à Louis XIII entre son père et son fils ne m’ait mis de tous temps le désir de le revendiquer dans l’esprit et encore plus dans le cœur. Je l’ay reconnaissant; mon père a dû à ce prince toute sa fortune, moi par conséquent tout ce que je suis ; tout ce que j’ay me retrace ses bienfaits. J’attends en vain que quelqu’un de ceux qu’il a comblés et plus capables que moi s’en souvienne assez pour tirer son bienfaiteur d’une oppression si peu supportable; personne ne s’y présente, après tant d’années. A la fin, l’indignation de l’ingratitude et de l’ignorance me met la plume à la main, mais sous la plus scrupuleuse direction de la vérité la plus exacte qui seule donne le prix à tout avec la confiance. » (Parallèle, page 1 du manuscrit.)

Ce préambule achevé, Saint-Simon entre en matière et commence par l’éducation des trois rois. Sur chacun d’eux nous trouvons quelques pages spéciales, puis, en peu de mots, il condense le sujet, rapproche les princes pour montrer la diversité de leur origine et des soins qui ont entouré leur première jeunesse. Dès le début, apparaît le plan auquel l’auteur demeurera fidèle. Une triple et minutieuse analyse, puis un résumé d’où ressort la comparaison, telle est la méthode de tout l’ouvrage. Rien de plus simple que cette ordonnance, mais on devine en même temps qu’il a fallu un rare éclat de style pour en bannir la monotonie. A vrai dire, nous trouvons en cet écrit non pas un seul parallèle, mais une suite de parallèles détachés formant autant de chapitres sur l’enfance des trois rois, leurs débuts dans la vie, leurs mœurs, le commencement de leur règne, leur gouvernement, leur famille, leur capacité et leur mort. Dans ce large tableau, on sent tour à tour ce qu’a de factice un genre dont les historiens avaient abusé, et quelles ressources un écrivain y peut puiser pour marquer certains traits en caractères ineffaçables.

En rendant compte du Parallèle, nous ne suivrons pas la route que l’auteur a parcourue. Nous chercherons à reconstituer séparément et dans leur ensemble le portrait des trois rois, en mettant