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élever le monument qu’il nous a laissé, s’était montré naturellement fort avide de connaître les mémoires les plus voisins de son temps : il avait cherché à en avoir communication et n’avait pas hésité à en retenir des copies pour son usage secret. Les Mémoires de Mademoiselle (qui n’ont été publiés complètement qu’en 1858), ceux de Goulas (que commence à peine à donner la Société de l’histoire de France), ceux de Fontenay-Mareuil, le Journal de Richelieu, les Mémoires de Torry, ont été ainsi transcrits pour sa collection particulière et ont donné lieu dans le cours de ses travaux à plus d’une note qui mérite d’y être jointe. Tout autrement considérable fut le travail auquel il se livra sur les Mémoires de Dangeau, chargeant d’additions la copie qu’une communication du duc de Luynes lui avait permis de faire exécuter. On sentit, de bonne heure, le prix de cette annotation dans laquelle l’auteur avait versé tout ce dont débordait sa mémoire. Sous les auspices de M. Guizot et de M. Mignet, et plus tard de M. Drouyn de Lhuys, le Journal de Dangeau fut publié avec les réflexions de Saint-Simon.

Une autre série de manuscrits embrasse les précédens d’étiquette ; ce n’est pas la moins importante : cérémonies de cour et de ville, processions, baptêmes princiers, pompes funèbres royales, sacres et couronnemens, forment une collection énorme toute remplie de documens officiels, au travers de laquelle se rencontre parfois une note, un résumé, un jugement où apparaît Saint-Simon et où il est aussi aisé de reconnaître sa petite écriture chargée d’abréviations que son infatigable amour des détails.

Un dernier groupe comprend enfin les Mémoires à consulter destinés aux procès de préséance, les études sur les généalogies, les notes biographiques, les projets politiques, les travaux d’histoire, en un mot les ouvrages originaux et achevés sortis de la plume d’un écrivain qui ne connut pas le repos.

A quelle époque de sa vie Saint-Simon a-t-il accumulé cet amas prodigieux de matériaux? Les portefeuilles qu’il remplissait ne contiennent-ils que des notes, des ébauches inachevées, ou bien y rangeait-il parfois une œuvre terminée? sa gloire gagnera-t-elle à l’en voir sortir ? A toutes ces questions, qui occupaient notre esprit et pressaient nos recherches, il est difficile de donner une solution définitive; néanmoins la lumière se fait peu à peu ; déjà les regards peuvent percer la brume, et certains points apparaissent clairement. Il y a des ouvrages que nous avons eu la bonne fortune de lire en entier. Nous voulons insister sur l’un d’entre eux, au travers duquel nous retrouvons, avec les qualités et les défauts de Saint-Simon, tout ce qui fait l’incomparable charme de l’auteur des Mémoires : il s’agit du Parallèle entre Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. De tous les manuscrits laissés en portefeuille, c’est