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administratives avaient évidemment autant de poids que les raisons tirées de la vocation des sujets. « Il faut qu’il apprenne quelque métier utile, sans quoi son admission est fort douteuse. »

Pierre encourage tout à fait le désir qu’a Christine de partir pour la Suède. Un gentilhomme suédois, ami des dominicains, avait deux sœurs, qui toutes deux avaient revêtu l’habit de Saint-Dominique. Elles furent longtemps seules en Suède à porter cet habit. L’une justement s’appelait Christine; elle est morte. Que Christine de Stommeln vienne, elle la remplacera. Le bon Suédois écrit de sa main à Christine, pour lever tous ses doutes. Deux sœurs, toutes deux béguines, lui offrent de leur côté leur maison. Le couvent de dominicaines se fonde définitivement. Pierre redouble d’instances. Berthold, prieur de Wisby, se joint à lui. Christine a sa prébende assurée; elle portera l’habit qu’elle voudra, soit celui qu’elle a maintenant, soit celui de l’ordre. Évidemment, Pierre avait réussi à inculquer à tous ses confrères de Suède son opinion sur la sainteté de Christine. A Cologne, les supérieurs paraissent trouver quelque danger à canoniser ainsi des personnes de leur vivant. Une des lettres qu’on lui adresse du couvent porte une suscription où l’on serait tenté de supposer quelque ironie : Christinœ in Stumbele, frater... salutem mentis et corporis. Il est remarquable, du reste, que les suscriptions des lettres de Pierre se font aussi, en ces derniers temps, beaucoup plus simples qu’elles n’étaient autrefois.

Pierre, devenu prieur de Wisby (fin de 1283), obtient que le frère de Christine soit détaché à son couvent. En 1285, il désespère de la revoir; il a la fièvre. La guerre allumée entre l’île de Gothland et le continent rend les communications impossibles. En 1286, l’espérance commence à renaître. Pierre annonce à Christine qu’il doit accompagner son provincial au chapitre général qui aura lieu (à Bordeaux) l’année suivante. Il visitera Stommeln au retour. Il espère y être vers le 24 juin. Quelques appréhensions se font jour dans sa lettre. La réserve que par momens lui avait témoignée Christine, à son dernier voyage, lui était, à ce qu’il semble, restée sur le cœur.

Il est plus que probable que Pierre fit le voyage de Bordeaux en 1287. Le 1er juin de cette année, nous le trouvons à Louvain. De cette dernière ville il écrit à ses amis de Stommeln. Ce voyage, entrepris pour leur consolation, l’a exténué; c’est lui maintenant qui a besoin d’être consolé par eux. Il boite gravement du pied gauche, ses forces sont épuisées, ce qui n’empêche pas qu’il espère les voir la semaine suivante.

Il réalisa sans doute ce projet, quoique aucun texte précis ne