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que s’il y a embarras pour le ministère, il vient des ministériels, et au besoin de quelques-uns des ministres; la vérité est que s’il y a une situation politique et parlementaire assez troublée, assez pénible, certainement peu en rapport avec l’état général du pays, c’est la faute de ceux qui, par esprit de secte ou par faiblesse, se sont plu à soulever des questions redoutables en poussant le gouvernement lui-même dans une voie sans issue où il reste pour le moment à se débattre.

C’est là malheureusement ce qu’il y a de plus vrai. On s’est engagé, sans avoir tout calculé, par préjugé de parti ou pour complaire à des préjugés de parti, dans cette affaire religieuse qui n’a pas encore comparu au parlement depuis la rentrée récente des chambres et qui va être évoquée un de ces jours sur l’interpellation d’un jeune député d’une sincérité éloquente, M. Lamy. On en a fait une affaire républicaine. C’est peut-être un très sérieux danger qu’on s’est créé gratuitement; c’est dans tous les cas dès ce moment une source de difficultés et d’embarras inhérens à ces décrets du 29 mars, nés d’une équivoque déjà sensible. Que les chefs du gouvernement soient d’avance résolus à ne point se départir dans l’exécution des décrets d’une certaine mesure de conduite, on n’en peut douter. M. le président du conseil n’en est point à témoigner de ses intentions modératrices; il les a de nouveau attestées dans une circulaire qu’il vient d’adresser à tous nos agens diplomatiques et où il réserve pour la France le droit de continuer comme par le passé à étendre sa protection sur les missions catholiques en Orient et dans toutes les parties du monde. Rien de mieux, M. le président du conseil a le soin de préciser la signification tout intérieure des décrets du 29 mars, et même dans ces limites, il désavoue toute pensée de porter atteinte au droit individuel des membres des congrégations, bien plus encore d’inaugurer une persécution religieuse. C’est son intention avouée, incontestée. Plus que tout autre, comme ministre des affaires étrangères, il sent le danger d’une guerre déclarée à des ordres qui vont porter, avec les influences religieuses, le nom de la France jusqu’aux extrémités de l’univers. La modération de son esprit est une garantie de la sincérité de ses intentions; mais est-on sûr de maintenir jusqu’au bout ces distinctions un peu subtiles, de n’être pas entraîné au-delà de tout ce qu’on voudrait? Est-on toujours maître des conséquences d’un acte livré tout à coup comme un redoutable aliment aux passions contraires? Une politique comme celle qui s’est traduite par les décrets du 29 mars n’est pas tout entière dans les intentions d’un homme; elle tire nécessairement son caractère de tout un ensemble da circonstances, des excitations qui l’ont produite, de ceux qui en ont été les promoteurs ou les complices, et c’est ici justement que se révèle l’équivoque, la dangereuse équivoque qui pèse sur la situation, à laquelle le gouvernement s’est pour ainsi dire enchaîné.

Ces tristes décrets, qui étaient aussi inutiles que l’article 7 et qui ont