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reparaissent à nos regards sous les traits simples et vrais que leur imprima la création rapide et spontanée de l’esprit, avec l’air vivant et libre que communique à la parole l’émotion du moment; après un long oubli, les voilà tels qu’ils ont été entendus, il y a deux siècles, et consignés à la hâte sur les pages d’un journal inconnu.

Dans la seconde partie de cette première fronde, depuis la fuite de la cour à Saint-Germain jusqu’à la paix de Ruel, la fermeté de Broussel ne se démentit pas; dès le 7 janvier, c’est-à-dire, dès que la nouvelle du départ de la reine éclata, il se leva pour opiner contre Mazarin, contre « ce détestable étranger, fauteur de guerre civile, ennemi implacable de Paris et du parlement, fléau du royaume; » il proposa l’adoption immédiate de mesures décisives. « Pendant que Rome délibère, Sagonte est assiégée : Dum Roma deliberat, Saguntum oppugnatur ; c’est l’effet des procédés violens de cet Italien qui a mis l’état au dernier point de sa ruine pour assouvir son insatiable avarice : cet homme de néant, ne sujet du roi d’Espagne, qui gouverne aujourd’hui la France au grand regret de tous les bons François, lui qui par sa mauvaise conduite a laissé perdre Landrecies, Armentières, Courtray et le royaume de Naples, cet étranger qui n’a aucun amour pour la France, qui a transporté la plus grande partie de son or au-delà des monts, a juré la destruction du parlement parce qu’il n’y a que cette barrière qui s’oppose à ses violences. Déclarons-le perturbateur du repos public. Notre unique espérance est dans les armes et dans l’affection que les peuples nous témoignent. Levons des troupes et garnissons les passages, car ce n’est pas avec des paroles ni avec un morceau de parchemin qu’on arrêtera le Mazarin. »

Cet homme éloquent n’était pas le seul orateur qui eût alors du crédit sur le parlement et de l’empire sur le peuple. D’autres magistrats, des princes mêmes, savaient ouvrir un avis, soutenir une discussion, conduire l’assemblée, enlever un vote; ils avaient le renom de bons citoyens, de harangueurs habiles et de fins politiques. Nous apprécierons prochainement leurs discours et leur influence; passant ensuite aux agitations parlementaires du XVIIIe siècle et à la fronde janséniste, nous achèverons ce sujet, dont on connaît le plan, le but et les limites.


CHARLES AUBERTIN.