Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les assemblées des chambres, « par un conseiller qui entra en charge au commencement de la minorité et assista à toutes ces assemblées. »

Le trait particulier de cet écrit, son mérite original est précisément de noter et de rassembler ce que les autres journaux du même temps négligent, ou de développer ce qu’ils abrègent, c’est-à-dire le détail des séances et l’analyse des discours. Indifférent à la chronique minutieuse ou scandaleuse des événemens, il rejette les bruits de la rue, les rumeurs des salons et se tait sur les intrigues des partis; son champ d’observation est le palais, il ne sort pas de la chambre de Saint-Louis : c’est la gazette intérieure des délibérations du parlement. L’auteur, en cachant son nom, a déclaré sa qualité et sa compétence. C’était sans doute l’un de ces jeunes conseillers aux enquêtes dont l’humeur peu soumise désespérait les ministres et les premiers présidens. Zélé pour la gloire de sa compagnie, pénétré d’admiration pour les chefs de la résistance, pour les héros de « ce grand combat qui avoit relevé la magistrature opprimée sous la tyrannie et rétabli l’empire de la justice et des lois, » chaque jour, en écoutant leurs arrêts, « révérés alors comme les oracles de la France, » il faisait registre de tant de belles maximes et de généreux sentimens, et c’est avec ces éphémérides que, vingt ans plus tard, dans la paix profonde du règne de Louis XIV, ranimant ses lointains souvenirs et des impressions restées ineffaçables, il a rédigé ce journal.

Il lui a donné pour épigraphe un passage des mémoires de Castelnau, où ce diplomate du XVIe siècle, formé à l’école de l’Angleterre, cet a homme d’état citoyen, » comme il l’appelle, examinant la constitution de la monarchie française, la représente assise et appuyée « sur huit colonnes fortes et puissantes qui sont les parlemens, » colonnes qui maintiennent l’état « dans sa beauté, son harmonie et sa durée, » en le défendant à la fois contre le despotisme et l’anarchie. Vient ensuite, sous forme de préface, un éloge raisonné de ce juste équilibre des pouvoirs, de ce « sage milieu » d’une royauté tempérée par les lois : l’auteur y condamne la funeste politique de Richelieu et de ses imitateurs, qui, en opprimant le parlement, « rempart sacré de la liberté françoise, » ont faussé le ressort de l’état, détruit le principe fondamental de la monarchie et mis en péril l’accord du prince avec ses sujets. « Les trophées de ce ministre impérieux n’ont servi que d’un mausolée inutile à la liberté de son pays écrasé sous le poids de son ambition. Il a commencé ce parricide par la prise de la Rochelle. Tant qu’il a vécu, il a sacrifié à sa fortune le repos de l’Europe. Comment de tels hommes, avant de ruiner la pierre angulaire de nos libertés, n’ont-ils pas réfléchi