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la ligue, en 1589 et 1591, pendit le président Brisson et le doyen de grand’ chambre Larcher; elle envoyait à la Bastille Achille du Harlay et cinquante conseillers : deux ans après, elle succombait à son tour sous ce fameux arrêt des chambres réunies qui, sanctionnant la loi salique, ferma le trône au roi d’Espagne et l’ouvrit à Henri IV. En résumé, depuis son institution jusqu’au XVIIe siècle, le parlement, dans toutes les crises politiques, se montra invariablement conservateur et contre-révolutionnaire. Sollicité de contracter alliance avec les démagogues parisiens en 1413, avec le parti des princes en 1484, il fit aux uns et aux autres cette même réponse : « Nous sommes institués pour rendre la justice au nom du roi, et nous n’avons pas à connaître de l’administration de la guerre ou des finances, ni à contrôler les actes du souverain. » Le parlement se souvenait alors de ses origines, qu’il devait plus tard oublier.

A mesure que la puissance et la popularité des états-généraux déclinent et que leur prorogation indéfinie laisse la nation sans garantie et le pouvoir sans frein, on voit naître et grandir dans l’esprit des parlementaires l’ambition toute nouvelle d’une ingérence politique, le louable dessein d’arrêter la royauté sur la pente du despotisme. Il fallait bien que le gouvernement, débarrassé du contrôle des états et désormais livré à la témérité de ses violences et de ses caprices, rencontrât quelque part une opposition de la raison publique qui vînt à propos l’avertir et l’éclairer, qui fît sentir au prince, selon la forte expression des libéraux de l’ancien temps, « qu’il était roi des francs et non des serfs, qu’il commandait à des gens de cœur, à des âmes libres, et non à des forçats tremblant sous le bâton d’un geôlier et maudissant l’autorité qu’ils redoutent. » Cette opposition, aussi nécessaire à la dignité des peuples qu’à la sauvegarde de leurs intérêts, le parlement entreprit de la constituer sous une forme légale et juridique : le droit de remontrance, reconnu dès le XIVe siècle par des ordonnances royales, lui en fournit le moyen ; l’inamovibilité de la magistrature, conséquence de la vénalité des offices, lui en inspira l’audace. Vers le temps de la figue, il établit comme une maxime d’état que les édits royaux, pour avoir force de loi, devaient être au préalable vérifiés et enregistrés au greffe de la grand’ chambre; il s’attribua le pouvoir de les suspendre, de les modifier et de les refuser. Les états de Blois semblèrent lui donner gain de cause en déclarant, dans une instruction rédigée en 1577 pour les ambassadeurs envoyés au roi de Navarre, que «les cours de justice étaient une forme des trois états raccourcis au petit-pied; » ce qui faisait dire au diplomate autrichien Busbeck, en 1584 : « En France, les parlemens sont rois, ou peu s’en faut, à l’égal du roi. » Cinquante ans plus tard, il ne suffisait plus à l’illustre compagnie de suppléer les états et de remplir