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parmi ses adversaires les plus ardens. Partout leur appui a été assuré aux candidats de l’opposition.


IV.

Que va faire le gouvernement ? Telle est la question que tout le monde s’est posée en Angleterre, dès que le résultat des élections n’a plus été douteux. D’après la tradition ancienne, le cabinet aurait dû demeurer à son poste jusqu’à la date indiquée pour la réunion du nouveau parlement, se présenter devant la chambre des communes et attendre, pour se retirer, ou l’élection aux fonctions de speaker d’un autre candidat que celui qu’il aurait présenté, ou le vote d’une motion de refus de confiance. C’est ainsi que les choses s’étaient toujours passées jusqu’en 1868. Après les élections générales de cette année, qui avaient donné une grande majorité à l’opposition, lord Beaconsfield, qui n’était encore que M. Disraeli, ne voulut pas attendre un vote hostile et donna immédiatement sa démission. M. Gladstone critiqua cette détermination comme une nouveauté et comme un acte irrespectueux vis-à-vis de la chambre des communes, à qui cette démission anticipée enlevait l’occasion de faire connaître son sentiment sur la situation politique ; mais lui-même suivit à son tour, après sa défaite de 1874, l’exemple de lord Beaconsfield. Il y a donc maintenant deux traditions : à laquelle le premier ministre allait-il se conformer ? Si les élections n’avaient donné à l’opposition qu’une faible majorité, ou même si cette majorité n’avait pas été suffisante pour dépasser les voix réunies des conservateurs et des autonomiste s, il est extrêmement probable que le ministère aurait attendu un vote de la chambre, dans l’espoir que la majorité nouvelle, composée d’élémens hétérogènes, se diviserait de les premiers jours : les libéraux, en assez grand nombre, qui ont approuvé la politique extérieure du cabinet, auraient été dans la pénible alternative de se donner un démenti à eux-mêmes ou de maintenir leurs votes antérieurs, et il n’eût pas été impossible de faire éclater la discorde entre les libéraux et les autonomistes. Le ministère libéral aurait été affaibli avant même d’avoir pu prendre le pouvoir. Le chiffre de la majorité, qui est assez élevé pour que les chefs de l’opposition n’aient pas à tenir compte du vote des autonomistes, n’a point permis ces calculs. Néanmoins, il s’est trouvé bon nombre de conservateurs pour conseiller aux ministres d’affronter la discussion de l’adresse, malgré la certitude d’un vote hostile, afin d’avoir l’occasion de défendre leur politique et de réfuter les critiques violentes et injustes dont elle a été poursuivie. Les journaux conservateurs, le Standard, le Post et surtout le Globe dans un article intitulé : Combattre ou fuir, ont soutenu avec insistance