de conclure des mariages royaux. Agens reconnus et patentés pour cette industrie politique, ils passaient d’une cour à l’autre, élaborant sur les almanachs princiers toutes les combinaisons possibles, les suggérant aux cabinets, et s’employant avec passion à leur réussite. En 1707, un de ces condottieri de la diplomatie, le baron d’Uhrbig, représentait à Vienne le Danemark ; c’était là son moindre souci, il s’occupait en réalité de négocier le mariage de Charles VI d’Espagne, le futur empereur, avec une fille de la maison guelfe de Brunswick-Wolfenbuttel. À ce moment, Huyssen, le gouverneur du tsarévitch Alexis, passait par Vienne. Uhrbig, qui avait encore deux filles à placer pour la maison de Wolfenbuttel, s’ouvrit à lui et fit ressortir l’avantage qu’il y aurait pour tous à voir deux sœurs sur les trônes d’Autriche et de Russie. Pierre le Grand, sondé à ce sujet, accueillit avec empressement l’idée d’une alliance qui mettrait son fils de pair avec l’empereur des Romains. Le vieux duc de Brunswick devait à l’ancienneté de la race guelfe le privilège de choisir entre les trônes pour y placer ses petites-filles. L’aînée, Élisabeth, allait devenir impératrice : la seconde, Charlotte, était élevée à la cour du roi de Pologne, Auguste de Saxe ; Antoinette, la troisième, n’était encore qu’une enfant. Le duc caressait l’idée d’unir Charlotte au héros sur qui toute l’Europe avait les yeux fixés depuis dix ans, à Charles XII de Suède ; mais tous les plans étaient devenus incertains depuis qu’un duel à mort était engagé entre le roi de Suède et le tsar de Russie pour la domination du Nord. Les conseillers de Brunswick cherchèrent à gagner du temps. Ce fut un curieux et mélancolique spectacle de voir cette jeune fille ballottée, au gré des bulletins de victoire, entre deux capitaines qui ne pensaient guère à elle. Le canon de Poltava, qui ne savait pas ajouter cette victime à tant d’autres, décida de son sort : Wolfenbuttel n’hésita plus. Son agent Schleinitz s’aboucha à Eisenach avec Uhrbig, qui devait rédiger le contrat au nom du tsar. Il fut stipulé que la princesse garderait la foi luthérienne, qu’elle emmènerait une cour tout allemande, et nommément sa cousine et amie d’Ost-Frise, « afin que S.A.S. madame la czarowise ait quelque compagne dans ce pays-là. » Sur tous les articles, les deux compères jouèrent au plus fin : il y eut de grandes prétentions entre eux. Uhrbig écrivait d’un ton piqué à son ami Leibniz : « Ce cavalier prétend trop et il ne fait pas bien de faire tant de bruit avant maturité. »
On faisait trop de bruit en effet, et les gazetiers d’Allemagne s’occupaient déjà ouvertement du mariage. Le mécontentement du tsarévitch fut grand en apprenant son sort par les journaux avant qu’il l’eût décidé lui-même. On devine les perplexités d’Alexis. Son père lui avait communiqué ses volontés, qui n’admettaient