en dépôt à une faible profondeur, préservé de l’évaporation par le sable qui le recouvre. Il n’est pas difficile de s’y procurer une eau fraîche et limpide; mais où l’on trouve le plus de lacs et de sources, c’est le long de la bande de terre, d’ordinaire tracée très nettement, qui court entre le calcaire et les dunes.
On jugea prudent, en risquant un crochet de quelques lieues, d’aller toucher barre en un des points de cette ligne; on se dirigea vers Salinas-Chicas, et on y passa la seconde journée du voyage. L’endroit méritait cette halte; c’est un des coins bénis de ces solitudes. Tous les élémens de fertilité et de pittoresque s’y rencontrent. Comme c’est la partie la plus déclive d’un vaste bassin, c’est pour entretenir la fraîcheur de ce vallon qu’il pleut dans toute la contrée. Dans ce sol léger, poreux, disposé à souhait pour emprisonner l’air, l’eau et la chaleur du soleil, les plantes peuvent se gorger à l’aise de sucs nourriciers. Elles émigrent de fort loin pour profiter de cette aubaine ; nous découvrîmes un champ de luzerne, il n’y en a pas à dix lieues à la ronde. Quelque graine y sera venue un jour dans les entrailles d’un cheval volé, elle a peuplé toute une prairie. Pourtant ce n’est que du sable, dira-t-on. C’est déjà beaucoup que du sable et de l’eau; mais lorsque cette eau apporte d’un côté, du côté des plateaux, de l’humus et des sels calcaires, de l’autre, du côté des dunes, les phosphates toujours abondans dans les sables d’origine marine, les résultats deviennent merveilleux. Quant au fer, je ne sais pas d’où il sort, mais il y en a à profusion : le sable se groupe en aigrettes aux deux pôles d’un aimant. On ordonnera un jour aux anémiques la viande des bœufs qui s’élèveront dans ces campagnes.
Deux grosses sources qui sortent en bouillonnant du flanc des dunes vont se perdre dans un lac salé qui occupe le centre du vallon. Ce lac, d’un joli ovale et d’un peu plus d’un kilomètre de longueur, est dominé au sud par des roches à pic et des bois, à l’est par des collines dont les silhouettes originales indiquent seules la composition sablonneuse, mais qui ont été envahies et fixées par la végétation. Il avait à cette époque de l’année la délicate teinte rose qui indique, pour parler le langage de nos paludiers de l’Ouest, que « la saline va saliner, » et dont les savans n’ont pas plus réussi à donner une explication satisfaisante que de la production, dans ces réservoirs naturels d’eaux pluviales, tantôt de nitrates, tantôt de chlorure de sodium. On explique bien la formation d’un continent, mais quand il s’agit d’un grain de sel, c’est une autre affaire. Le sel qui se recueille à Salinas-Chicas est très beau et facile à raffiner. Dans un pays dont l’industrie nationale est précisément la salaison des viandes, et qui fait venir son sel de Cadix, le riche dépôt formé là par la nature est encore inexploité. Les Indiens