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exclusions et des épurations personnelles ? Il ne suffit pas d’avoir vaincu, il faut bien se défendre contre les retours offensifs, observera-t-on. Comme le disait à peu près hier encore M. le ministre de l’instruction publique dans un banquet des Vosges ; il faut se barricader dans la maison qu’on a conquise et fermer soigneusement toutes les portes à ses adversaires ! Il faut bien aussi, ajoute-t-on, que cette démocratie organisée par les institutions républicaines s’affirme et se manifeste par des réformes filles de son esprit. Elle ne peut se laisser arrêter par de vaines considérations de prudence méticuleuse et traîner indéfiniment dans les routines monarchiques de peur de troubler quelques réactionnaires attardés. Il faut agir, la république ne peut vivre qu’à ce prix ! Assurément il faut des réformes, nous ne prétendons pas le contraire ; mais c’est là justement la question : qu’entend-on par ce mot retentissant ?

Des réformes vraies, sérieuses, il y en a certes de toute sorte à réaliser pour le bien réel du pays. M. le ministre de l’instruction publique n’a pas besoin de recommencer ses voyages, d’aller faire des discours dans les Vosges ; il n’a qu’à rester, dans son cabinet, à étudier avec maturité, sans bruit, sans s’inquiéter des passions extérieures, tout ce qui manque à l’enseignement : il trouvera sans peine à occuper son activité, à s’honorer même par des améliorations pratiques, par des réformes bien autrement importantes que ces élections bizarres d’où il fait sortir en ce moment le nouveau conseil supérieur de l’instruction publique. M. le ministre de la guerre, lui aussi, a certes une œuvre immense embrassant tous les détails d’une organisation militaire où tout reste incohérent, inachevé, et la première condition du succès est de ne pas tout faire ou tout défaire au hasard, de s’attacher à un plan coordonné en défendant avant tout l’armée contre l’invasion de l’esprit de parti et des passions du jour. M. le ministre des travaux publics a l’héritage des entreprises matérielles préparées ou engagées par son prédécesseur, sans compter celles dont on voudrait lui imposer le fardeau, au risque d’aggraver les charges du pays et d’embarrasser le crédit de la France. M. le ministre du commerce, qui sort à peine d’une longue discussion, n’est pas au bout ; il a encore le régime des douanes à compléter, à faire sanctionner, les relations commerciales de notre pays à régulariser avec les autres puissances. M. le garde des sceaux, si on voulait bien lui laisser la liberté d’une étude réfléchie et de la modération, aurait à son tour sans nul doute de sérieuses et utiles améliorations à proposer. Dans toutes les parties de l’organisation française, dans l’administration de la justice, de l’armée, des finances, de l’enseignement, il y aurait de quoi occuper les chambres pendant quelques années et plusieurs ministères dans l’intérêt bien entendu de la France et de la république elle-même. Des réformes ! voilà les vraies et profitables réformes à mûrir, à préparer, et on ne peut les conduire à bonne fin qu’après l’étude la plus attentive, avec la préoccupation