Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/901

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tour antique, une porte ornée de chapiteaux, d’un entablement du temps de Trajan, offrent de curieux débris ; à l’époque byzantine, on a eu quelque souci de recueillir des membres d’architecture antique et de les enchâsser, un peu au. hasard, dans les murs des tours et des courtines.

Aujourd’hui, ces murailles sont dans l’état d’abandon le plus complet. Du côté du port, les pans de murs aux teintes dorées, crevassés par le temps, sont à demi envahis par une végétation vigoureuse qu’entretient la fraîcheur d’un petit ruisseau coulant dans l’ancien fossé. Près d’une poudrière qui surmonte un reste de tour antique, une sentinelle turque se promène indolemment derrière les créneaux ruinés et de temps à autre regarde vers le port d’un air nonchalant; mais seuls les caïques marchands de Rhodes ou de Samos se balancent dans la rade paisible que ne défendent plus les lourdes chaînes de fer autrefois brisées à coups de canon par les galères vénitiennes de Mocenigo.

Entre les murailles et le phare, situé au sud-est sur une pointe de rochers, s’étendent des jardins et des vergers qui sont la promenade habituelle de la population grecque aux jours de fête. Les femmes, richement vêtues de l’élégant costume anatolien, où dominent les couleurs claires, se répandent en groupes dans les vergers et vont s’asseoir sur la crête de la falaise; on aperçoit de là toute la ligne des côtes qui ferment la baie, profondément découpées, couronnées de verdure et sillonnées de cascatelles qui tombent bruyamment dans la mer d’une hauteur de plus de 10 mètres; elles sont formées par des canaux dérivés du Douden, qui coule à quelques lieues d’Adalia. Strabon avait déjà signalé ce fleuve appelé Cataractes, « qui tombe comme un torrent du haut d’un rocher et dont le bruit retentissant s’entend au loin. » Aujourd’hui ses eaux sont amenées dans les jardins par des conduits de dérivation qui forment autant de cascades le long de la falaise. Les Grecs prétendent que ces eaux douces font perdre à la mer sa saveur salée dans la baie d’Adalia.

Si l’on redescend dans le quartier turc, on est frappé par un air de délabrement et un aspect morne qui contraste avec l’activité du quartier grec. Les maisons noires, aux murs percés de fenêtres rares, sont absolument closes; près d’une mosquée, une fenêtre grillée est surchargée de lambeaux d’étoffe attachés aux barreaux : c’est la maison d’un derviche mort en odeur de sainteté, et ces lambeaux