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et elles se trouvaient fort heureuses. Le consul s’avise d’un moyen qui consistait à les faire comparaître isolément devant lui et les officiers du bateau et à exiger d’elles le serment. L’une d’elles se trahit en faisant par mégarde le signe de la croix; les autres avouèrent qu’elles étaient chrétiennes, et Russes de nationalité; le consul les fit rapatrier. Il n’est pas rare que dans les ports du Levant l’autorité consulaire intervienne et empêche que des femmes chrétiennes soient victimes de ce commerce, hautement désavoué d’ailleurs par la Porte Ottomane.

Le quartier grec, la marine et le bazar, voilà les points où se concentre la vie active à Adalia. Rien de pittoresque comme ce joli port, enserré entre de hautes murailles crénelées dont la base disparaît sous les mousses, la verdure et les plantes grimpantes; à l’entrée se dressent deux piliers massifs d’appareil romain, reste des travaux qui avaient fait de l’antique Attalie une importante place maritime. Le port n’est guère fréquenté que pendant les mois d’avril et de mai; des vapeurs italiens, des navires de Rhodes, de Salonique, de Smyrne, y viennent charger le blé, le seigle et le sésame que produisent les vastes plaines de la Pamphylie. Passé ces mois, le port devient presque désert, à cause de la difficulté du mouillage; on n’y voit guère aborder que les petits caïques de la côte et les vapeurs anglais qui font le service entre Adalia, Rhodes et Smyrne. Une population oisive de marins et de commerçans vient s’installer pendant de longues heures dans les petits cafés bâtis sur pilotis qui bordent la marine; on y fume des narghilés, on cause; la vapeur odorante du tombéki et des conversations interminables, que faut-il de plus pour occuper toute une demi-journée dans cet Orient où le temps a si peu de prix ?

La ville est entourée d’une enceinte de murailles qui laisse en dehors le bazar et la marine, et enferme une portion considérable de la cité, que les Turcs appellent le kalé. Du côté de la mer, les murailles sont assises sur un rocher à pic et dominent d’une hauteur de 400 mètres les flots qui viennent battre la base du rocher. L’appareil de ces murs, qui se développent en longues courtines reliées entre elles par des tours carrées, rappelle de très près celui des murs de Constantinople. Les assises inférieures sont formées de pierres de taille antiques, tandis que la partie supérieure présente une construction irrégulière où l’on remarque çà et là quelques débris helléniques encastrés dans la maçonnerie[1]. A l’angle nord-ouest de la partie qui paraît répondre à l’ancienne citadelle, une

  1. Voir la description sommaire des antiquités d’Adalia, donnée par M. G. Flirschfeld dans les Monatsbericht der Königl. Preussisch. Akademie der Wissenschaften de Berlin, novembre 1874. Ces renseignemens complètent ceux qu’on trouve déjà dans Ritter : Die Erdkunde : Klein-Asien, II, p. 641 et suivantes. Voir aussi J. Davis. Anatolica, pp. 210-211 ; Londres, 1874.