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LE

SALON DE Mme NECKER

D’APRÈS DES DOCUMENS TIRÉS DES ARCHIVES DE COPPET.

III[1].

LES FEMMES. — Mme GEOFFRIN, LA MARQUISE DU DEFFAND, LA COMTESSE D’HOUDETOT.


« Les femmes, disait Mme Necker, dans son langage un peu recherché, tiennent dans la conversation la place de ces légers duvets qu’on introduit dans les caisses de porcelaine ; on n’y fait point attention, mais si on les retire, tout se brise. » On doit penser, d’après le tableau que j’ai tracé jusqu’à présent du salon de Mme Necker, que les légers duvets (pour reprendre sa comparaison pittoresque) y faisaient complètement défaut, et que les vendredis de l’hôtel Leblanc présentaient l’aspect sévère d’une réunion dont les femmes sont bannies. En effet, parmi les gens de lettres que recevait Mme Necker, les uns n’étaient pas mariés, les autres ne se montraient pas très soucieux de produire leurs femmes. Ce n’était pas la pauvre Mme Diderot qui eût ajouté grand’chose à l’agrément d’un salon. Mme Marmontel n’avait pas beaucoup d’esprit, et la petite Mme Suard, toute humble et reconnaissante de l’accueil qu’elle recevait chez les Necker, était presque la seule qui accompagnât son mari aux vendredis. Quant à attirer chez elle des femmes de qualité, pour parler le langage du temps, c’était pour Mme Necker une entreprise plus délicate à conduire que d’avoir à souper des philosophes. Bien qu’à la fin du XVIIIe siècle, par le mouvement des idées et par le relâchement de la hiérarchie sociale, la société des gens de lettres,

  1. Voyez la Revue du 1er  janvier et du 1er  mars.