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seigneurs les acceptait de mauvaise grâce, par esprit d’obéissance, en faisant de nécessité vertu.

A la vérité, les lois promulguées en 1874 et en 1875 n’étaient que des lois de circonstance, destinées à dompter les résistances du clergé ; il sera facile d’en obtenir l’abrogation. On a octroyé aux fidèles le droit d’élire eux-mêmes leurs pasteurs, on a pourvu à l’administration des sièges épiscopaux tombés en déshérence, on a décidé que toute subvention de l’état serait retirée à tout ecclésiastique qui ne ferait pas sa soumission. Une fois l’accord conclu, ces mesures seront sans objet et frappées de nullité. Quant à la loi sur la gestion des biens des paroisses, le clergé l’avait acceptée. Sur d’autres points on aura plus de peine à s’entendre. Dès 1872, pour punir la cour de Rome de n’avoir pas voulu recevoir le cardinal Hohenlohe en qualité d’ambassadeur de Prusse auprès du saint-siège, M. de Bismarck, dont les ripostes ne se font jamais attendre, avait fait décréter par le Reichstag la suppression de la compagnie de Jésus sur toute l’étendue du territoire de l’empire, la fermeture de ses établissemens et de ses maisons, l’expulsion des jésuites étrangers, l’internement des jésuites indigènes. On peut être certain que, quoi qu’il arrive, les jésuites ne seront pas rappelés. Trois ans plus tard, en réponse à l’encyclique du 5 février, le parlement prussien vota la dissolution dans l’espace de six mois de tous les ordres et de toutes les congrégations établies en Prusse; on n’a fait grâce qu’aux communautés vouées aux œuvres de charité, on a accordé aux communautés enseignantes un délai de quatre ans, que le gouvernement était libre de prolonger. Il est peu probable que cette loi soit rapportée, mais il ne sera pas difficile d’en tempérer l’application par des mesures de tolérance. En tout cas ce n’est pas là une de ces pierres d’achoppement qui rendent tous les accords impossibles. On a beau s’obstiner à confondre les droits et les intérêts des congrégations avec ceux de l’église, l’église elle-même a témoigné plus d’une fois qu’elle en savait faire la distinction.

La principale difficulté gît dans les vraies lois de mai, dans celles de 1873, qui sont au nombre de quatre, et surtout dans la quatrième. Du moment que les évêques reconnaissent au pouvoir civil le droit d’autoriser leurs choix pour les cures vacantes, il en coûtera peu au gouvernement de revenir sur la disposition qui soumettait à un examen d’état tous les candidats aux fonctions ecclésiastiques ; on pourra abroger cet examen ou le réduire à une pure formalité. Mais que fera-t-on de ce redoutable tribunal pour les affaires d’église, composé de onze membres parmi lesquels six juges, cour d’appel destinée à protéger le bas clergé contre les peines disciplinaires que lui infligent ses supérieurs, destinée aussi à frapper d’amendes, d’emprisonnement, de destitution tout évêque accusé d’entreprendre sur l’autorité des lois ou dont les agissemens paraissent incompatibles avec l’ordre public? L’institution de ce tribunal