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mais créer de nouveaux transports, c’est créer à la fois des bénéfices pour le commerce et pour l’industrie. Un exemple nous fera comprendre. Les cotrets de sapin sont très employés par la boulangerie parisienne, qui est un débouché important pour ce produit. Considérons trois centres de production, les sapinières de la Sologne, celles du Limousin, celles des Landes, et prenons pour centres de ces exploitations La Motte-Beuvron, Limoges et Morcenx ; les distances de Paris sont 157 kilomètres, 400 kilomètres et 795 kilomètres. Si on applique les tarifs généraux, on trouvera pour prix des transports 15 fr. 30, 39 fr. 50 et 58 fr. 40. Mais les compagnies ont consenti à cette marchandise des tarifs spéciaux et appliquent les prix de 9 francs pour la Sologne, 16 francs pour le Limousin, 22 fr. 50 pour les Landes, soit des prix kilométriques de 0 fr. 057, fr. 04 et 0 fr. 028. Si on veut abaisser les tarifs des cotrets, sur lesquels faudra-t-il opérer ? L’expérience prouve qu’il se fait beaucoup d’expéditions de la Sologne, très peu du Limousin, pas du tout des Landes. Si on prenait pour base le prix de revient du transport, il est clair que les compagnies auraient plus d’avantage à réduire un tarif de 0 fr. 06 qu’un tarif de 0 fr. 03 ; mais les cotrets de Sologne peuvent supporter le prix de 9 francs et arriver dans de bonnes conditions sur le marché parisien ; réduire leur tarif, c’est donc faire un cadeau purement gracieux aux exploitans des sapinières ; leurs expéditions n’augmenteront pas d’une tonne. Au contraire, si on réduit à 18 francs le tarif des cotrets des Landes, on peut espérer les faire entrer dans la consommation parisienne ; le prix kilométrique ne sera plus que de 0 fr. 02 1/4 ; c’est une limite tout à fait extrême, mais cependant, si on peut créer ainsi un courant nouveau, tout le monde y gagnera : le commerce des Landes, le chemin de fer et la boulangerie de Paris. Il est même possible que les conditions de la culture permettent aux sapinières des Landes de supporter un tarif de 18 francs, tandis qu’un tarif de 16 francs sera prohibitif pour celles du Limousin ; c’est une question à étudier et à débattre ; mais cet exemple montre bien que l’intérêt du chemin de fer n’est pas en opposition avec l’intérêt général, bien au contraire, et il montre surtout que, dans l’abaissement des tarifs, il faut se préoccuper non pas des moyennes, mais des espèces, et on ne peut arriver à ce résultat que par le système français des tarifs spéciaux.

Quand on veut comparer les conditions des transports dans les divers pays, on opère par moyenne, on divise la recette brute par le tonnage total et on a la taxe moyenne. C’est ainsi qu’on peut dire que la taxe moyenne en France est de 0 fr. 06, tandis qu’elle est supérieure dans les autres pays voisins, sauf la Belgique. Prendre