Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autres. Tous les avirons étaient parallèles et ceux qui reposaient sur la lisse extérieure n’avaient pas une longueur sensiblement plus grande que les avirons de la deuxième lisse, qui, eux-mêmes, différaient à peine par leurs dimensions des rames de la troisième lisse. L’obliquité du banc avait pour objet d’empêcher les hommes assis sur le gradin inférieur d’aller en voguant frapper les jambes de leurs camarades. En résumé, les trois rames ainsi groupées devaient se manœuvrer assez aisément, sans exiger une hauteur bien considérable de la galère au-dessus de l’eau ni une grande différence de longueur entre les avirons. Je serais heureux que mon explication obtînt votre suffrage; elle répond catégoriquement à votre question: Oui ! les rames de la trirème antique étaient superposées, mais d’une faible quantité et non pas comme nous les avons vues dans la trirème construite sur les chantiers d’Asnières. »

Je n’ai jamais été un grand dessinateur; j’ai même failli manquer mon entrée à l’école navale par suite de mon insuffisance notoire sur ce point; l’examinateur chargé du dessin, le célèbre M. Lemire, hésita longtemps à recevoir de mes mains le buste de Madone, ombré au crayon noir, que j’avais l’impudente audace de lui présenter. Cependant, si je me mettais en tête de reproduire le type d’un vaisseau de mon temps, je m’en acquitterais mieux que Phidias. Je l’ai sous les yeux ce croquis informe. Est-il possible qu’un aussi habile sculpteur ait osé transmettre pareille ébauche à la postérité! Quelle ignorance des lois de la perspective! Et ces bâtons grossiers qui sillonnent la coque du navire, il faut que nous les admettions pour des avirons ! Franchement, j’y reconnaîtrais aussi bien des baccalas ou des cols de latte. J’en reviens toujours, vous le voyez, à la galère moderne et à la fameuse rame di scaloccio, à cette rame longue et pesante sur laquelle le cardinal de Richelieu voulait qu’on rangeât au moins sept ou huit rameurs. La trirème antique telle que la restitue, d’après les ruines du Parthénon, mon ami, l’amiral de Pritzbuer, est bien de la famille de ces galères italiennes du moyen âge que Messer Crisioforo da Canale arme de trois avirons par banc, et dont M. L’amiral Fincati décrit avec tant de précision l’appareil de nage : » I filareti erano tre, distanti uno dall’ altro circa quanto i tre uomini sul banco ; i tre scalmi erano piantati sui tre filareti in modo da formare una linea egualmente obliqua che il banco, e ad esso parallela; i remi uscivano cosi da sotto alle impavesate in gruppi di tre remi ognuno, » Je goûte peu ce système, mais, après tout, en ce qui concerne la trirème, mon sacrifice est fait depuis longtemps ; je me suis soumis dès le début de mon travail sur la marine des anciens. La seule place d’armes dans laquelle je m’enferme, décidé à ne capituler que lorsque je serai tout à fait à bout d’argumens, c’est la quinquérème. J’invite