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prendre des refroidissemens. Des femmes, des jeunes gens qui avaient commencé à faire des copies, ont renoncé au travail dès la première bronchite. Les visiteurs même, qui viennent en foule au musée dans les premiers jours de leur arrivée, — sauf la chasse au renard, il y a peu de distractions à Pau, — n’y retournent jamais. Or, il y a quelques années, la ville de Pau avait un local disponible tout indiqué pour servir de musée. On a demandé en vain que les tableaux y fussent transportés; la municipalité a préféré louer ces bâtimens à un particulier. Le beau musée des antiquités, à Rouen, se trouve aussi dans des conditions détestables d’installation. Il occupe un rez-de-chaussée très humide. Malgré les soins, les armes s’y rouillent, les bois sculptés et les tapisseries s’y pourrissent. Dans d’autres musées, situés sous les combles, en plein midi, les peintures s’effritent et s’écaillent. Elles ne sont pas pour cela à l’abri de l’humidité; quand il pleut, l’eau filtre à travers la toiture. Il en est ainsi à Tarbes, à Châlon-sur-Saône, à Valence. Par les grandes averses, il faudrait un parapluie pour se promener dans les galeries. Les collections épigraphiques, si précieuses qu’elles soient, sont généralement fort mal traitées. Les conseils municipaux, qui comprennent souvent l’intérêt des tableaux, ont le plus absolu dédain pour « les vieilles pierres. » Ils leur concèdent généreusement des hangars ouverts à tous les vents, où la pluie fouette, où la neige tourbillonne. Là, les sculptures, les inscriptions, les fragmens d’architecture sont placés sans ordre les uns sur les autres et les uns devant les autres. Le beau musée gallo-romain de Sens, le musée épigraphique de Bordeaux, l’immense collection lapidaire de Narbonne, sont des chaos où Borghesi lui-même perdrait son latin. De plus, à l’action de la pluie, les lettres s’effacent et les pierres se délitent.

Il y a pire encore. Plusieurs musées sont sans cesse menacés par l’incendie. Le musée de Bordeaux a brûlé deux fois, le musée historique de Nancy a brûlé, un commencement d’incendie s’est déclaré au musée de Narbonne ; mais on ne prend pas plus de précautions pour cela. Des musées sont placés dans des édifices contigus à des théâtres, à des fabriques de produits chimiques, à des magasins de spiritueux; d’autres ont telle de leurs salles employées à des expériences de gaz, à des laboratoires de chimie. Le musée de Dijon est un des plus considérables et des plus curieux de la France. Il possède entre autres trésors d’art une collection sans prix de peintures et de sculptures de l’ancienne école de Bourgogne. Or, au-dessous des seize salles et galeries qu’il occupe au premier étage de l’hôtel de ville, les boutiques et les caves sont louées à des marchands de bois d’ébénisterie, à des épiciers, à des marchands de vins. Une imprudence, un accident, et voyez quel beau feu feraient ces